Digital in real life

Le film a suscité de nombreuses polémiques, ce qui est inévitable quand on voit tous les faux débats qui hantent le sujet en permanence : addiction aux jeux vidéo, harcèlement sur les réseaux, rupture de la communication personnelle... Et bien non, Reitman ne tombe pas dans le piège et même si le film est tout entier habité par l'omniprésence du digital dans nos vies et ce qu'il a pu changer, il évite soigneusement les angles fermés et propose au contraire des regards contraires. Ainsi on peut y croiser une mère obsédée par la protection de sa fille (qui est en réalité une véritable intrusion dans son intimité et vire à la tyrannie) et une autre qui monnaye l'image de sa fille sans avoir conscience de la portée de cette attitude.

Pourtant cette "couche" digitale raconte notre époque tout en abordant fondamentalement les sujets universels de l'amour, grâce à sa dimension chorale : découverte de la sexualité, anorexie, perte des sentiments dans le couple, séparation... et les éternelles incompréhensions entre parents et enfants, même avec les meilleurs sentiments.

A travers les personnages, ce sont nos vies qui défilent et leurs tracés divergents, mais aussi notre réalité actuelle, dans l'évolution des rapports directs, de la communication non-orale, du sexe accessible... bref il est difficile de ne pas se reconnaître dans toutes les facettes présentées de l'interface du web et des smartphones dans notre vie, même la plus personnelle. Subtilement, cela change bien les choses, et même de manière sans précédent, avec une certaine radicalité irréversible, mais au fond les sentiments humains le restent bien et constituent le coeur de cette histoire.

Personnellement, ce film est un vrai coup de coeur, pour avoir su décrire et traduire l'impact des mutations technologiques sur les comportements, tout en esquissant une universalité des sentiments. Ni rassurant, ni inquiétant, Men, Woment et Children est une superbe photo émotionnelle d'un présent qui nous apprend beaucoup sur nous même et les justes distances à trouver.

Un dernier point sur la présence de la sonde spatiale, qui a dérangé tant de monde : ici aussi, je ne cerne pas ces réactions hostiles. Au contraire, l'ouverture vers l'immensité et la relativité de nos existences personnelles est une formidable mise en abîme... et qui n'est pourtant pas gratuite ! En effet le lien est fait plusieurs fois dans le film avec le "point bleu" (la terre vue depuis le bout de la galaxie), qui tendrait à nier la valeur de nos destinées (réflexion partagée par l'adolescent en quête de sens après le départ de sa mère). Cette allégorie est intéressante car tout en démontrant l'insignifiance de nos individualités en surface, elle sert le propos de la conclusion du film : chaque vie compte.