Deux ans après son premier long-métrage expérimental intitulé The Falls, le plasticien, peintre et cinéaste Peter Greenaway réalise The Draughtsman's Contract, traduit par Meurtre Dans Un Jardin Anglais pour sa distribution française, en s'inspirant de tout ce que ses professeurs des Beaux Art lui ont ont inculqué durant ses années d'études. Et bien que le métrage puisse être envisagé comme étant l'adaptation d'un monument de la littérature, il n'en est absolument rien puisque Greenaway s'est attelé en solo à l'écriture du script en imaginant un illustrateur qui passe un curieux contrat avec une châtelaine : pour chaque dessin de sa propriété qu'il réalisera, elle s'offrira à lui.

Dès les premières secondes, en se plongeant dans le contexte de 1982, il faut avouer qu'un long-métrage n'avait pas été doté de si belles images depuis Barry Lyndon. Et la comparaison avec le film de Stanley Kubrick n'est pas vraiment un hasard puisque l'histoire de ce whodunit peu banal se déroule aussi dans l'Angleterre du XVIIIe siècle. Décors réels, manoirs, jardins, prairies, intérieurs éclairés à la chandelle, perruques poudrées et visages fardés ramènent indéniablement à la splendeur visuelle de Barry Lyndon tout en conservant une identité et une signature esthétique qui lui soit propre. Chaque image étant plus belle que la précédente et plus léchée qu'un tableau issu du mouvement baroque de l'Europe du Nord, Greenaway démontre pleinement ici ses talents de peintre, expérience accumulée à côté de sa réputation de chef de file du cinéma underground britannique des années 1970 et de son apprentissage en tant qu'illustrateur.

Ce n'est donc guère étonnant que le cinéaste ait choisi de narrer l'histoire d'un dessinateur qui sombre dans une terrifiante machination meurtrière au rythme de percutants dialogues aussi précieux que violemment ironiques. Et si vous n'avez pas sombré dans l'ennui au bout du premier quart d'heure, c'est que vous avez succombé, à mon instar, à la fascination qu'exerce certains jeux d'esprit déroutants, vicieux et affreusement pervers.

41 ans après sa diffusion en salle, Meurtre Dans Un Jardin Anglais conserve intégralement son ensorcellement cérébral et sa magnificence picturale dans un somptueux Blu-ray UHD édité par Le Chat Qui Fume, pièce malheureusement limitée à 1000 exemplaires seulement. Sûrement le plus beau cadeau qu'un cinéphile puisse s'offrir cet été.

candygirl_
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes films / BD & DVD, Ma collection LE CHAT QUI FUME - BD / DVD et Films visionnés en 2023

Créée

le 12 juil. 2023

Critique lue 100 fois

5 j'aime

6 commentaires

candygirl_

Écrit par

Critique lue 100 fois

5
6

D'autres avis sur Meurtre dans un jardin anglais

Meurtre dans un jardin anglais
Krokodebil
10

La symbolique de l'ananas

Ce soir j'ai revu The Draughtman's Contract. Je ne l'avais découvert que récemment, mais ayant un conjoint paysagiste de formation, je voulais qu'il le voie avec moi, sachant par avance qu'il ne...

le 22 mai 2015

26 j'aime

4

Meurtre dans un jardin anglais
Angie_Eklespri
9

   Le plus important quand on signe un contrat, ce n’est pas le bout de papier, mais bien la table

     Effet Barry Lyndon ou quoi ? Enigme. Ce film est une énigme dans le bon sens du terme. Il y a un effet lumière à la bougie, qui ne dure pas longtemps. Il y a un...

le 10 août 2017

11 j'aime

2

Meurtre dans un jardin anglais
Mr_Kir
4

C'est loooooooooong

Allez à une exposition de peinture. Arrêtez vous une bonne heure devant chaque tableau. Sortez. Que ressentez vous maintenant ? Sûrement la même impression que j'ai éprouvée après avoir visionné ce...

le 17 avr. 2011

6 j'aime

Du même critique

Saint Ange
candygirl_
6

La sentinelle des meurtris

19 ans après sa sortie, Saint Ange reste un film mal aimé dans notre pays. Considéré à tort comme un pur film d'horreur, il n'est ni plus ni moins qu'un macabre conte fantastique puisant ses racines...

le 5 sept. 2023

9 j'aime

3

Gérard Depardieu : la chute de l’ogre
candygirl_
3

... ou la lâcheté d'un milieu artistique

De "l'affaire Depardieu", pourtant omniprésente dans les médias et sur les réseaux, je n'étais au courant que des diverses plaintes pour viol et agressions sexuelles et je n'avais découvert qu'un...

le 4 janv. 2024

8 j'aime

6

Les Diables
candygirl_
9

Conte de la folie ordinaire

Quelle claque ! L’œuvre est démente, stupéfiante, étouffante et l'on en sort fourbu, épuisé par tant d'hystérie. Basé sur la pièce éponyme créée par John Whiting et le livre Les Diables De Loudun...

le 2 nov. 2023

8 j'aime

9