Un homme, de face, les cheveux qui volent au vent d'un autre temps. Il a le visage solide et les traits durs. Il ne dit rien.
C'est Michael Kohlhaas qui regarde la mort et qui la toise, silencieux. Il sait qu'elle est là et qu'elle viendra à lui. C'est écrit. Doucement le vent des Cévennes souffle et le goût du sang libère ses effluves écœurantes. Lentement les images de mort et de destruction viennent, de chiens lâchés, de vies brisés, de murmures hésitants que les bruits de la nature rendent inaudibles.
C'est Michael Kohlhaas qui regarde sa vie et qui accepte sa fin. Qui sait qu'il s'est trompé et qui se reconnait en homme. Ni en père, ni en guerrier, ni en marchand, ni en religieux. En homme.
"Michael Kohlhaas" est un film d'une étonnante simplicité. Que ce soit dans sa violence sourde, jamais malsaine ou dérangeante, mais presque chirurgicale dans la manière où elle est exposée ; que dans l'écrin classique dans lequel il enrobe son histoire. Même s'il pâtit parfois de ses problèmes de rythme, et surtout ne parvient pas toujours à expliquer clairement ses enjeux et peine à installer un véritable trouble de par sa politesse glacée ; des Pallières réussit une formidable proposition de cinéma qu'il faut reconnaître et considérer. Dans son refus de fougue, de lyrisme, d'écarts mythologiques, qui pourront en laisser certains sur le carreau, il parvient à trouver sa cohérence : définir ce qu'est l'Homme, le cerner véritablement plus que le comprendre, au plus profond des choses, des gestes, des rôles que la vie lui donne, est bien son but intrinsèque. L'Homme est à la fois le modèle et le sujet de Des Pallières, plus particulièrement ce qui se cache derrière le simple fondement d'un principe : une bestialité, une hargne destructrice et à tout épreuve. Ainsi, Kohlhaas, dès qu'il sentira qu'un composant d'une valeur pour lequel il se bat et se soumet chaque jour (la Travail, la Religion, la Famille) sera simplement mis à mal ou carrément supprimé, volé, se rendra compte bien trop tard - dans ce plan final magnifique, l'un des plus beaux de l'année - ce qu'il est en son pouvoir et en son tort de commettre une fois privé de ce qui tient un être humain loin des armes et du goût du sang. Si la fin surpasse le film en tout termes, c'est qu'elle ose pour la première fois longtemps le regarder en face, voir son visage qui s'humanise, qui souffre et qui offre au film son seul véritable climax, ce que le montage elliptique du récit ne pouvait pas donner. Des Pallières réussit alors son coup : dire quelque chose de l'homme dans sa faiblesse et sa beauté, le dire d'une voix douce et bienveillante, dans la frustration immense qu'il donne à son spectateur. C'est sans doute le fondement du cinéma de ce cinéaste confidentiel et il trouve, dans ce récit brutal et silencieux d'un homme qui tombe, non sans défauts mais adoubé d'une sincérité qui en font une oeuvre absolument admirable, son plus pertinent appui.