Michel-Ange est bien servi par ses acteurs et par sa très belle image, et a déjà le mérite tout simple de montrer Michel-Ange, dont la figure me semble avoir quelque chose de presque sacré. Il s'agit justement de le montrer sous un jour très humain, bien crasseux, bien ancré dans toutes les saletés de la vie de son époque, coincé qu'il est dans les luttes de pouvoir, les tourments financiers, les rivalités artistiques de bas-étage. On y trouve surtout l'ambition d'exposer le caractère très matériel et rébarbatif de la condition d'artiste pendant la Renaissance. C'est à la fois la qualité et la limite du récit.


Et si le film ne gagne pas complètement ce pari de ne quasiment jamais montrer l'artiste au travail, c'est peut-être qu'il n'insiste pas assez sur les luttes politiques qui emprisonnent un Michel-Ange uniquement soucieux de pouvoir travailler. Le film s'égare un peu dans d'autres voies. C'est notamment vrai lors de toutes ces longues scènes d'extraction de marbre, qui rappellent inévitablement celles de Fitzcarraldo, sans jamais atteindre leur génie, loin s'en faut. Je reconnais que ces scènes ont leur intérêt - elles fonctionnent surtout comme un symbole des entreprises grandiloquentes que Michel-Ange multiplie sans jamais tout à fait les achever, et qu'il poursuit au prix de sacrifices nombreux et douloureux. Mais elles ennuient, et ce n'est pas un petit défaut.


On s'installe finalement dans un rythme étrange où se succèdent le bavardage, le fourmillement les plus intenses, et des moments d'attente et de labeur pas tout à fait convaincants. Peut-être Konchalovsky aurait-il gagné à maintenir son personnage au cœur de son histoire et à s'éparpiller un peu moins dans les processus politiques et artistiques qui l'affectent. Au-delà du traitement du sujet, il y avait le sujet lui-même, c'est-à-dire l'homme Michel-Ange, et c'était déjà, à mon sens, un choix fort et inhabituel de le représenter, le raconter, l'amener à l'écran - on n'est pas si habitués que ça à voir ce genre de personnages historiques au cinéma aujourd'hui. Je regrette de ne pas m'être imprégné davantage de lui. Le film tenait pourtant un acteur qui l'incarne bien, et avec intensité

Manu-D
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le 1 nov. 2020

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