Retour aux bricolages de bric et de broc



pour Jean-Pierre Jeunet qui livre ici une comédie loufoque et décalée sur fond de vengeance d’abord personnelle, mais aussi consciente, contre le cynisme dégueulasse des marchands d’armes à l’abri dans leurs tours d’ivoire parisiennes.


Bazil, autour de ses cinq ans, perd son père, soldat, sur une mine dans le sahara.
Trente ans plus tard, Bazil, vendeur dans un vidéoclub prend une balle perdue dans la tête. Il n’en meurt pas mais le chirurgien laisse le projectile et les maux de crâne pour ne pas risquer de transformer le pauvre homme en légume. En sortant de l’hôpital, Bazil a perdu son appartement et son travail. Le voilà à la rue. Une mine, une balle de revolver. Il a tout perdu.


Adopté par une communauté de parias qui survivent de recyclages excentriques, utiles ou non, artistiques et poétiques, il récupère pour eux les métaux, les roulements, les engrenages, les carénages, tout ce qui se répare, et s’inclue doucement dans le groupe sans encore se livrer complètement. Seul, il échafaude aussi les prémices d’un plan pour faire tomber les marchands d’armes, responsables de son malheur et des guerres dans le monde. Bientôt, toute la troupe propose son aide pour donner la leçon aux responsables des malheurs du monde.


« Je n'encouragerai jamais mon fils à être poète, monsieur. »


Jean-Pierre Jeunet chante les artistes,



l’inventivité créatrice et la poésie,



les petits bonheurs simples toujours, contre le discours cynique et dégueulasse des marchands d’armes qui louent l’enrichissement par la destruction et la mort. Le propos est un peu facile, pas forcément mené jusqu’au bout tant il ne semble par moments qu’un prétexte à la comédie, mais le film, dans un univers particulier qu’il faut apprécier pour accepter de se laisser emporter, tient le rythme.


Les incursions plastiques de la filmographie du bricoleur sont nombreuses et c’est avec plaisir qu’au détour d’une cheminée sur les toits de Paris, on retrouve le plaisir immense d’écouter quelques secondes Stan et Julie jouer leur duo scie musicale et violoncelle de Delicatessen, actant l’expansion de la ville, plaçant alors Micmacs à Tire-Larigot dans le prolongement direct de cette première œuvre extraordinaire. La femme caoutchouc et l’homme canon rappellent qu’il n’est pas un seul long-métrage français du cinéaste qui ne voit la présence d’un artiste de cirque ou d’un forain, et soulignent, s’il en est besoin, son goût du spectacle vivant. La séquence de l’aéroport met à jour les manipulations organisées et les enrayements imprévisibles du chaos, rappelle l’œil d’Amélie Poulain sur ses propres manigances qui s’émancipent.


La comédie n’oublie pas la petite touche d’amour, peut-être aurait-il dû : le couple qui se cherche, **Dany Boon** et **Julie Ferrier**, ne fonctionne pas. N’intéresse pas : sort du propos.

La musique, les toits de Paris et l’atmosphère désuète, l’homme et les petits bonheurs, les petites et grandes mécaniques de l’existence, Jean-Pierre Jeunet fait ce qu’il sait faire. Le scénario fonctionne, sans soulever le cœur ni donner de frissons, mais



la mécanique est huilée



et si l’on ne rit pas à gorge déployée, on rit tout de même, la comédie reste largement supérieure à la moyenne des productions merde in France. Malgré quelques légers défauts, c’est toujours un vrai cinéma loufoque, burlesque et inventif dans le détail.
Une vrai galette de bricoles.

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