Sous ses manières pompeuses, ses acteurs cabotins et ses situations forcées, Microbe et Gasoil cache un petit cœur sensible, celui d’un cinéaste qui a bien décidé de ne pas grandir pour ne jamais perdre ce qui fait sa singularité : un sens de l’utopie par l’image qui lui est propre et qu’il combine à une imagination fertile.


Le bonhomme est en effet passé maître dans l’art de trouver la petite idée improbable qui lui permet de mettre en boîte le plus farfelu des concepts. Ici il est question d’une maison roulante, construite par deux escargots un peu marginaux, qui n’ont pas encore vu pousser leur premier poil de barbe. Ras le bol de la famille, des copains de classes décidément trop limités, les deux bougres se lancent dans un road trip à deux temps où il est question de se jouer de la gendarmerie tout en partageant à deux les inquiétudes qui se dessinent à l’adolescence.


Devant contexte aussi amusant, tous les espoirs sont permis quant à une tranche de vie adolescente bien décalée. Une fois qu’on s’est résolu à accepter la possibilité de parcourir plus de 3 kilomètres à bord d’une cabane de jardin propulsée par un moteur de tondeuse à gazon, on est conditionné à tout accepter ou presque. Mais en jouant la carte du convenu lorsque ses deux protagonistes font chauffer le bitume, Microbe et Gasoil déçoit.


Au bout d’une demi-heure, Gondry peine à rassasier son moulin en énergie fraîche, ce qui oblige les deux polissons qui lui servent d’acteurs à supporter plus qu'ils ne le peuvent sur leurs frêles épaules. A la pauvreté des situations qui sont censées les mouvoir (le passage dans un Chinatown en mode pays imaginaire est pauvre en idée, le sketch du dentiste semble tout droit sorti des pires Argento, la tirade sur les Roms fait leçon de bas-étage, et la petit illustration de l’amourette à l’aveugle est bien peu inspirée), les deux jeunes garçons essayent de trouver une certaine harmonie qui rendrait leur duo plus crédible, plus attachant en tout cas.


La sauce ne prend pas toujours. Et même si la plupart du temps l'énergie des deux bougres donne le sourire, quand l’émotion tente de se faire une place en pleine boom, les platines décrochent, le DJ se fait la malle devant le challenge à relever.
Comme si Michel Gondry avait cru très fortement à son idée de départ, mais qu’une fois cette dernière mise en route, il s’était laissé déborder par l’ampleur de la tâche : il n’est pas donné à tout le monde de croquer avec fausse légèreté le monde de l’adolescence. En l’occurrence ici, le pari est à moitié relevé, mais le portrait qui en résulte paraît un peu maladroit, voir précipité, à l’image du dernier bourre-pif en pleine récrée, plutôt gratuit et mal exploité.

oso
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le 30 déc. 2015

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