Le film de l'été 2019. Etrange, malaisant, et fascinant.

Ari Aster, que tout le monde connaît maintenant car il est le réalisateur d'Hérédité il y a à peine un an, revient avec son second film Midsommar, un film sur un festival bien particulier d'une communauté/ secte suédoise qui a lieu tous les 90 ans. Les héros, des étudiants en thèse américains, vont alors se joindre aux festivités via leur pote suédois aussi sympathique qu'étrange, ainsi que notre belle héroine, traumatisé par un drame familial brutal, qui va aussi faire partie de l'aventure, afin d'essayer de sauver sa relation avec son petit- ami Christian, un mec qui reste avec elle plus par politesse plus que par amour.


En plus de ce pitch de départ, on sent très vite que ce festival pour célébrer le solstice d'été de cette petite communauté suédoise perdue au fin fond des bois ne va pas être de tout repos. Aster est un réalisateur de film de genre assez exigeant : il filme très bien avec des plans très travaillés et des dialogues absolument somptueux, souvent à double- sens, de même qu'il décide de mettre en avant l'ambiance et le rythme de son film, qu'une intrigue en somme plutôt basique. Dès les premières minutes, on est déjà emporté dans une expérience sensorielle et magique de 2h20 dont beaucoup en ressortiront interloqués, perdus, voire même assez déçus.


Car si Midsommar puise essentiellement ses influences chez The Wicker Man et des nombreuses histoires paiennes du nord de l'Europe, Aster fait le choix de monter son film de façon très lente et très précise, afin que la tension monte petit à petit, et se lance le pari plutôt osé et assez fou de nous faire peur en plein soleil (contrairement à Hérédité).
Techniquement, le film est une merveille. Comme avec Hérédité, Midsommar est une perle visuelle. La photographie est incroyable, le cadrage des plans est parfait, de même que la mise en scène est très posée et excellente. Certaines scènes et plans sont à couper le souffle, notamment vers la fin. Les décors sont impressionnants, qui permet alors d'aler droit dans la mythologie du lieu. Le montage est lui- aussi une oeuvre d'art à part entière géniale, tellement elle privilégie la qualité du son et des images, la construction d'un univers et d'une ambiance particulière, plutôt que d'aller et d'enchaîner les scènes.
L' énorme point fort de ce film est évidemment la direction d'acteurs. On sait que Aster est plutôt bon dans ce domaine, mais là c'est irréprochable. Chacun des acteurs semble vraiment investi et excelle dans son domaine, évidemment mention spéciale à Will Poulter très cool en Mark le blagueur et Florence Pugh qui semble sur- investi dans son rôle et est bouleversante en Dani.
Mais je dirais que le meilleur, c'est l'ambiance, l'atmosphère : on a presque l'impression qu'Aster tente de s'affranchir des codes de l'horreur, on navigue dans une atmosphère onirique, malsaine, tendue, tout en ayant des moments drôles voire assez ironiques par moment. Un espèce de mélange bizarre entre un conte cruel, un trip hallucinogène sensoriel, et un film d'horreur sur le folkore suédois.


Midsommar, c'est avant tout un drame humain, Dani qui se révèle au fur et à mesure de son séjour dans cette petite communauté suédoise, tout en passant des épreuves de plus en plus dures. Midsommar est donc un film avec de nombreuses interprétations : un film sur l'indépendance féminine, un film sur l'acceptation du deuil, un film sur la destruction des valeurs occidentales au profit d'anciennes valeurs traditionnelles où le collectif prime, un film sur les symboles d'un nouvel univers sans espace ni temps, et bien d'autres.
Là où Midsommar frappe un grand coup, c'est évidemment d'instiller un grand malaise durant tout le récit initiatique de nos étudiants américains, tour à tour qui vont se perdre dans leurs défauts (jalousie, arrogance, ambition dévorante, etc.), tout en restant cohérent avec son propos. En effet, tout reste incroyablement mystérieux, et rien n'est jamais vraiment montré frontalement, ce qui permet d'avoir un souffle épique et fascinant assez convaincant. Avec l'arrivée des drogues, l'idée de ce "trip" permet de voir des gens de plus en plus oppresser dans une boite, et leur descente aux enfers est presque inéluctable.


Grâce à cette mise en scène fabuleuse, nous avons droit donc à une première heure d'exposition très chouette, qui nous immerge dans cet univers aussi beau, magnifique qu'étrange, voire plutôt glauque et inquiétant par moments. Il y a donc cette fameuse scène pivot, comme dans Hérédité, qui fait basculer le récit dans un tourbillon horrifique, grotesque, voire même comique. Après cela, Midsommar fait devenir un cauchemar éveillé pour tous les jeunes, bien aidé par une BO pas ouf mais qui fait le taff pour donner quelques frissons.


Le final est superbe, et clôt avec brio Midsommar, et l'on sort aussi intrigué que satisfait. Malheureusement, ce Midsommar n'est pas du même cru qu'Hérédité : on est prêt à parier que ce film deviendra culte dans les cercles de passionnés de films d'horreur, mais ne sera pas une complète réussite. Notamment à cause d'un rythme un peu lent, surtout vers la fin, où il y a bien 15 minutes en trop. De même que beaucoup de plans, bien que très sophistiqués, ne servent pas à grand- chose, rajoutant à la petite prétention du réalisateur et de son équipe.


En gros, Midsommar est un bon film d'horreur qui réalise un travail assez dingue au niveau de la création d'univers, du son mais aussi de l'image, dans une ambiance unique. Aster n'a pas vraiment réussi à se hisser à la hauteur de son premier film, mais cela reste un résultat parfois bancal, parfois plus que passionnant, mais tout reste fascinant.
Et c'est bien dans ce songe d'été qu'il faut se plonger tout de suite, à tout prix, et réserver ses tickets pour la Suède, car Midsommar met de nouveau Aster en orbite, et le consacre comme le réalisateur de films de genre à suivre.

Mathieu_Renard
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le 17 juil. 2019

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Matt  Fox

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