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Miroir
5.9
Miroir

Film de Raymond Lamy (1947)

"Miroir" est un film dramatique et noir français, tourné en 1946 et sorti en 1947. Seul film réalisé par l’habituel monteur Raymond Lamy, il raconte l’histoire d’un homme à deux faces, complètement opposées, Pierre Lussac (Jean Gabin). En effet, Lussac est, aux yeux de sa famille, un respectable et riche financier, honnête et sérieux, particulièrement investi dans son travail, mais aussi dans sa famille, au côté notamment de son fils, un jeune avocat (Daniel Gelin). Pour sa femme (Gisèle Preville), comme pour sa belle-mère (Gabrielle Dorziat), avec qui les rapports sont pourtant assez tendus, il n’est qu’un homme assez brillant et travailleur dans ce qu'il fait. Cependant, derrière cette apparence se cache un redoutable gangster, investi, aux côtés de complices, parisiens comme lui, qu’il retrouve tous les soirs dans une salle de catch/spectacle, dans de louches activités, affaires. En effet, chef d’un gang parisien, il est en rivalité avec le chef d’un redoutable gang de Marseille, Folco (Antonin Berval). Entre ces deux gangs, les tensions sont exacerbées, et oblige Lussac à s’investir complètement, par différents moyens, pour le combattre. Finalement, petit à petit, la famille de Lussac découvre sa véritable identité, tout comme l’inspecteur Ballestra (Charles Lemontier), décidé à mettre à bas ces deux puissants gangs. Malgré l’attention et la gentillesse de sa maîtresse et chanteuse Cléo (Colette Mars), les deux gangs se retrouvent finalement dans un cimetière, pour l’enterrement d’un ancien truand, Ruffaut, où l’enterrement va se finir dans le sang entre les deux bandes. Après avoir, avec ses complices, éliminé toute la bande marseillaise, dont Folco, Lussac est finalement abattu par la police dans ce même cimetière.
Voilà un film assez particulier dans la carrière de Jean Gabin, ayant eu un succès méritable en salle lors de sa sortie, mais qui, malgré ses indéniables qualités, a très peu marqué les esprits, et n’est pas un film marquant de sa filmographie, par exemple moins connu, dans l’immédiat après-guerre pour Gabin, que Martin Roumagnac, et ce pour diverses raisons. En effet, ce film est loin d’être passionnant, voire ennuyeux souvent, et l’intérêt que l’on peut avoir pour lui semble plutôt limité. Pour commencer, on n’a pas de description claire des activités exercées par les deux bandes rivales, on ne sait pas vraiment ce qu’ils font, ni pourquoi, il y a un manque de précision et de clarté sur leurs activités qui rend le film assez complexe à comprendre et dont il souffre clairement. Bien qu’on sache qu’elles sont en rivalité, on ne sait pas quelles affaires font-elles réellement et pourquoi elles sont rivales. De plus, cette histoire remontant à une vingtaine d’années auparavant (l’histoire se déroule en 1935) de maison assiégée et criblée de balles par la police, dans lequel se trouve Lussac, mais aussi d’un vieux truand, Ruffaut, assassiné par Lussac, est difficile à suivre et à comprendre. Il n’y a pas vraiment de fil directeur dans cette histoire de truands, cela s’enchaîne assez bizarrement, et cette rivalité souffre d’un grand manque de clarté et de compréhension pour suivre le film. Beaucoup trop d’éléments sont donnés au spectateur sans avoir de renseignements plus précis. À ce titre, le montage et l’ordre des scènes est à questionner, car de nombreuses scènes s’enchaînent sans aucun lien, et de nouveaux éléments viennent complexifier l’histoire de truands, qui déjà, manque de précision et de détails pour être compréhensible et surtout plus agréable à suivre. Là, en dépit de quelques très belles scènes, notamment avec Lussac et Folco, ou entre Lussac et l’inspecteur, comme pour le match de boxe, et de bons dialogues, la rivalité entre truands manque de clarté, et à ce titre, est difficile à comprendre, le spectateur aimerait s’y intéresser mais finalement, certaines scènes le déconcertent et l’ennuient plus qu’elles ne le divertissent, à cause d’une rivalité exacerbée manquant trop d’informations et trop plate pour être vraiment appréciable. Cependant, la rivalité entre gang parisien et gang marseillais est bien rendue, à travers le choix des acteurs pour chaque gang, mais surtout l’atmosphère de rencontre de ces gangsters, que ce soit dans une grande salle de catch et de spectacle à Paris, ou dans un bistrot beaucoup plus modeste à Marseille. La photographie sombre, noire, est très belle, et décrit bien l’atmosphère pesante, sombre et festive à la fois de cette salle. Les dialogues sont donc plutôt bons, notamment entre Gabin et Gabrielle Dorziat, sa belle-mère, avec qui les rapports sont compliqués, mais surtout entre Gabin et Colette Mars, qui dans le rôle d’une chanteuse mais aussi maîtresse de Gabin est excellente. Elle amène toute sa fraîcheur, son détachement au film, elle est la dernière personne sur qui Lussac peut compter, et est parfaitement à l’aise dans ce rôle. Elle chante en plus une chanson dans cette salle de spectacle, reflétant l’ambiance de soirée parisienne, où se côtoient gens honnêtes, policiers, comme l’inspecteur Ballestra (qui vient constamment roder, plein de doute, le soir, dans cette salle, pour surveiller Lussac), et petits ou grands gangsters. Elle amène son talent au film, et des moments un peu plus légers, et plus vivants que d’autres du film plus ennuyeux. La photographie, notamment dans cette salle de soirée, est donc excellente. Le film est plutôt bien filmé. En revanche, Gabin ne semble pas complètement à l’aise dans ce rôle ambigu. Il est assez effacé dans son rôle, manquant de vie et ne paraît pas se fondre dans ce personnage de Lussac, honnête le jour, gangster la nuit, d’ailleurs sa mort paraît assez simpliste et pas assez travaillée. Il est abattu par la police et le film s’arrête comme ça, cela paraît trop rapide, et trop léger pour terminer un film policier comme ça, de cette façon aussi brutale. La fin parait également assez bâclée et laisse malheureusement une impression décevante du film, sans véritable fin, comme si le film avait été coupé avant d’arriver à son dénouement, ce qui n’est pourtant pas le cas. Malgré un rôle moyennement bien écrit et une histoire de bandits racontée trop imprécisément, maladroitement et manquant d’informations et d’un contexte général clair, Gabin semble trop sage, trop effacé dans ce rôle de gangster, pas assez mordant. Même si l’histoire est en effet difficile à cerner, il n’est pas vraiment dans son personnage et est vraiment décevant dans ce rôle, bien loin de ses futurs rôles de truands, où il brille vraiment, comme "Touchez pas au grisbi" ou "Le rouge est mis". Dans un rôle complexe et une histoire pas toujours passionnante et souffrant de défauts de précisions, d’informations et de clarté, il paraît trop mesuré, trop discret pour être à la hauteur d’un personnage qui peut en effet être difficile à comprendre, mais par rapport à tant d’autres films, il déçoit dans ce rôle. Autour de lui, on retiendra la prestation un peu timide, mais dans un rôle secondaire, du jeune (avocat) Daniel Gelin, la fade prestation, mais dans un rôle très discret et ingrat, de Gisèle Preville, très moyenne mais n’ayant pas non plus beaucoup de scènes à son actif. Au contraire, la performance de Gabrielle Dorziat est à souligner. En belle-mère de Lussac avec qui les relations sont piquantes et tendues, bien mieux servie par le scénario et les dialogues que la propre femme de celui-ci, elle est excellente. Les échanges savoureux entre Lussac et sa belle-mère font partie des meilleurs moments du film. Antonin Berval est très bon aussi en chef de gang marseillais, tout comme Charles Lemontier, en inspecteur surveillant, voire traquant activement Lussac, tout en sobriété mais très à l’aise dans son rôle. Malgré un scénario assez intéressant au départ, le film se retrouve finalement assez plat dans de nombreuses scènes, peu passionnantes et intéressantes, en dépit des dialogues. De nombreuses scènes paraissent difficiles à cerner tant on manque, en tant que spectateur, d’informations, de détails mais surtout de clarté, notamment dans les scènes entre gangsters, sur la nature de leurs relations, le pourquoi de leurs rivalités, la nature de leurs activités...certaines scènes et certains dialogues compliquent plus les choses que nous permettent de répondre aux questions qu’on se pose légitimement, et on est constamment en train de se poser des questions sur ces gangsters, notamment sur la nature de leurs affaires, mais aussi sur un passé difficile à cerner. En plus, certaines autres scènes sont plates, longues, sans intérêt particulier et parfois ennuyeuses, le comble pour un film assez court (1h30 environ). De nombreuses scènes délivrées ne répondent pas à nos questions, ou nous questionnent davantage, tandis que d’autres n’apportent rien de spécial au récit, rallongent le film mais manquent d’intérêt, ou parfois de vie, pour être vraiment intéressantes. Le scénario est donc d’une part, assez simpliste et plat, la trame générale n’a rien d’exceptionnel, comme ça se ressent dans certaines scènes sans vie et sans grand intérêt, le scénario manque d’imagination et de rebondissements, mais d’autre part, l’enjeu majeur de ce film (la rivalité forte entre gangs parisien et marseillais), manque de clarté, de précision, de détails pour pouvoir être suivi avec intérêt, et est plutôt compliqué à suivre pour le spectateur, à travers des scènes s’enchaînant ou non bizarrement, sans ordre clair et sans coller véritablement à l’histoire et à ses enjeux, des dialogues souvent bons, mais parfois trop éloignés de l’intérêt principal du spectateur, trop lointains, et une fin semblant assez facile et bâclée, qui aurait pu être beaucoup plus travaillée et explorée, moins directe, moins simpliste pour donner une bonne saveur au film et à son scénario. Le scénario, la trame du film est donc enfoncée paradoxalement dans ces deux défauts majeurs, et souffre, plus globalement, d’un manque de vision et de discernement fatal de la part du réalisateur, dont ce fut le seul film il est vrai.
Ainsi, en dépit de ses nombreuses et importantes qualités (photographie magnifique, assez bonne réalisation, certaines scènes entre truands ennemis ou entre Gabin et Dorziat savoureuses, ou la très belle prestation de certains acteurs, notamment Colette Mars, dialogues très bons dans l’ensemble), le film souffre d’un manque de vision global dans le scénario, l’enchaînement de certaines scènes, les enjeux de l’histoire et même parfois les dialogues de la part du réalisateur. Le scénario dans l’ensemble trop simpliste et plat, sans intérêt particulier et parfois trop bâclé, souffre d’un manque de discernement, entre des enjeux policiers, pourtant majeurs, manquant d’information, de détails et de clarté pour être parfaitement compréhensibles et agréables pour le spectateur, et ainsi, malgré une superbe atmosphère, notamment dans la salle, quelques très belles scènes et beaux dialogues, souvent ennuyeux pour lui, et un scénario trop simpliste et plat, donnant lieu là aussi à des scènes parfois inutiles et trop longues, n’apportant rien au récit, ce qui donne un film semblant manquer de rigueur pour être vraiment réussi, tant dans la construction du scénario que dans la description de ses enjeux majeurs et principaux ou que dans l’enchaînement de certaines scènes. D’ailleurs certains acteurs semblent s’y perdre, tel que Gabin, pas mauvais mais assez effacé, un peu absent, discret, et pas complètement dans ce rôle, pas assez présent et marquant dans ce rôle complexe et moyennement écrit, pas au même niveau que dans la plupart de ses films. D’autres acteurs apparaissent bien fades, peu servis par un scénario mettant plus en valeur le monde des bandits et truands, et la rivalité entre eux, que les relations de Lussac avec sa famille, à l’exception de Gabrielle Dorziat, brillante.
Un film aux multiples qualités, restant un bon film, à voir, mais très loin d’être le meilleur Gabin, même à cette période (Martin Roumagnac est nettement au dessus). Malgré tout ses défauts dans son scénario et sa construction, ce film, pour sa description de la rivalité entre truands, ou entre truands et flics, de l’atmosphère "noire" parisienne et pour voir Gabin après guerre ,aux cheveux déjà blancs mais encore jeune et très beau, reste un film pleins de qualités, agréable , méconnu, sûrement à juste titre, mais à voir tout de même pour les cinéphiles du cinéma français ancien, et notamment pour les fans de Gabin.

wallersayn79
7
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le 4 juil. 2022

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