L'intrépide, le hardi & la poule mouillée

Dans la lignée de sa terrible trilogie du milieu, Fernando Di Léo continue sa dissection d'une mafia en mutation, motivée par des valeurs changeantes, l’honneur et l’intelligence s’effaçant petit à petit au profit de l’opportunisme et l’absence de principes. Plus léger que les trois chefs de file du cinéaste, I padroni della città n’en reste pas moins dénonciateur d’une époque noire de l’Italie où la criminalité n’avait aucune limite, ou la violence était seule métronome d'instances de pouvoir corrompues jusqu’à l’os. Mais à la différence du ton cynique et virulent de sa trilogie, à travers un personnage de mafieux oldschool qui a oublié d’être stupide, Fernando Di Leo joue le jeu des 7 différences entre la vieille cosa nostra et la nouvelle, avec un humour décapant complètement assumé, faisant de son film davantage une comédie d’action qu’un poliziesco au sens premier du terme.

S’enchaînent alors les séquences décomplexées avec un sens de l’exagération qui fait sourire, que ce soit dans les décors (l’appartement de Tony, une apologie du Brésil tordante), les personnages (cette diva ratée qui a égaré tous ses soutien gorges !) ou les situations. Tout n’est que prétexte pour délivrer un petit actioner décomplexé. Di Leo oriente ses personnages dans ce but : son trio de protagonistes est à mourir de rire : une petite frappe, ex-boxeur, qui se pavane en buggy quand il ne joue pas à esquiver le KO avec des bestiaux qui font deux fois sa taille, un beau blond qui semble s’être échappé des vagues, mystérieux en diable, le cervelet en ébullition et enfin, le sage de la bande, le gangster d’expérience, qui sait se placer, évitant les problèmes en conjuguant sa légendaire couardise et son bon sens à toute épreuve .

Il y a fort à parier que ceux qui sauront prendre le film pour ce qu’il est, à savoir un moment de détente pourvu d’un petit fond critique, passeront un moment sympathique. Mais il faut être fan des ganaches à l’italienne et être disposé à pardonner parfois l’aspect un peu cheap du spectacle pour en saisir l’essence, qui prend la forme d'une spontanéité de chaque instant. Si vous ne devez voir qu’une seul Di Leo, préférez sa trilogie du milieu, mais si vous êtes déjà en terrain conquis, alors n’hésitez pas à découvrir I padroni della città, un film un peu plus mineur dans la filmographie de son auteur, mais qui vaut tout de même le détour. Il apporte, en tout cas, une petite touche légère au superbe premier coffret consacré au réalisateur, édité par Raro Vidéo (« The italian crime collection, Vol. 1 »), que je conseille sans réserve.
oso
7

Créée

le 10 nov. 2014

Critique lue 650 fois

12 j'aime

oso

Écrit par

Critique lue 650 fois

12

D'autres avis sur Mister Scarface

Mister Scarface
Boubakar
6

Gangs of Italia

Un jeune homme souhaite se venger d'un chef de gang surnommé Scarface, qui tué son père étant enfant. Pour ce faire, il s'allie étant adulte avec un autre bandit afin de provoquer une guerre entre...

le 13 sept. 2023

4 j'aime

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

81 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8