Moonrise Kingdom par pierreAfeu
Wes Anderson se délecte de familles borderline. Lieu central d'expérimentation de presque tous ses films, la tribu andersonniène est constituée de parents à l'ouest, plutôt égocentriques et vaguement despotes, et de grands enfants perdus un peu neurasthéniques. Burlesque et mélancolique, son cinéma est graphique et hors du temps, un brin désuet.
Dans Moonrise kingdom, les enfants sont jeunes (pour une fois) mais très sérieux et particulièrement déterminés. Le film se situe en 1965 mais évite bien évidemment tout réalisme. Nous sommes ici dans un conte aux jolies images édifiantes, succession de cartes postales naïves du scoutisme, de la rébellion post-adolescente et de la découverte de l'amour. Plaisant et délicieux, Moonrise kingdom se déguste avec plaisir mais laisse un peu sur sa faim.
Le charme des meilleurs films de Wes Anderson, La vie aquatique et À bord du Darjeeling limited tient au sentiment de liberté et de lâcher prise qui les habite. La poésie qui les baigne nait du décalage et de la surprise, chaque personnage ne semblant jamais à sa place. Ici, on sent comme jamais la maîtrise d'un réalisateur qui ne veut rien laisser au hasard. C'était déjà la limite de Fantastic Mr Fox, et c'est encore plus flagrant ici. Si le film nous réserve de délicieux moments (la danse de Sam et Suzy sur la plage notamment) et regorge de trouvailles visuelles, il lui manque le joyeux bordel que nous aimons tant chez son réalisateur.
On retiendra cependant un casting impeccable, les deux jeunes comédiens en tête, parfaits de sérieux et de candeur, aux côtés des impeccables mais sans surprise Bill Murray et Frances McDormand, et des habilement décalés Edward Norton, Bruce Willis et Tilda Swinton. Agréable donc mais un peu trop propret, Moonrise kingdom ne marquera pas durablement les esprits.