Innocence, monstre et amour (Ma vraie note 8,5/10)

Regan/Pazuzu dans L'Exorciste, Henry dans Le Bon Fils, Esther dans film éponyme, Joshua dans le film éponyme.

Les enfants-monstres et/ou enfants-tueurs ont toujours fasciné; plus particulièrement au cinéma. Bien que venant de différentes oeuvres ne racontant pas les mêmes histoires, ces derniers ont une chose en commun: ils aiment commettre des actes horribles et faire souffrir leurs victimes sans le moindre remord même si leurs actes provoquent le pire.

Mais est-il vrai que tous les monstres sont mauvais? Notre jugement ne serait-il pas trop hâtif envers ces monstres?

Avant de parler directement du sujet, laissez-moi dire ceci. Vous avez sûrement entendu parler de la romance entre Dracula et Mina ou encore celle entre Buffy et Angel. Mais quel rapport entre des vampires amoureux tiraillés entre leurs monstruosités et leurs amours pour des humains ou des enfants-tueurs et/ou des enfants-monstres me demanderez-vous?

Et bien tout simplement parce que notre film du jour réunit les deux.

Il s'agit de Morse.

L'oeuvre raconte l'histoire de deux enfants malheureux, Oskar (Kåre Hedebrant) et Eli (Lina Leandersson) : un enfant de douze ans martyrisé violemment par les brutes de son école sans jamais arriver à se défendre et une vampire éternellement prisonnière d'un corps d'enfant de douze ans contrainte de tuer pour survivre, souffrant d'être obligée de le faire.

Un jour, les deux se rencontrent et se retrouvent dans leurs misères respectives; allant même jusqu'à ressentir plus que de l'amitié l'un envers l'autre.

(leur lien est si fort que le thème principal du film est nommé d'après leurs prénoms https://www.youtube.com/watch?v=GrSZJQ72lVc )

Mais un humain et un vampire peuvent-ils réellement vivre un amour sincère?

Quand on voit Morse, on découvre des aspects inédits et rafraîchissants.

En effet, le plus souvent, dans les film de monstres, ces derniers aiment faire du mal de façon atroce par pure psychopathie et amusement sadique.

Dans Morse ce n'est pas le cas, Eli étant le plus souvent en larmes à chaque fois qu'elle élimine une vie pour se nourrir.

Les histoires de romances entre vampires et humains mettent souvent en scène des adultes (jeunes ou pas) ou au pire des adolescents.

Dans Morse ce n'est pas le cas Oskar et Eli étant des enfants.

Le plus souvent, dans les histoires d'amour entre vampires et humains, le vampire est le garçon et l'humain est la fille.

Dans Morse, les rôles sont inversés: Oskar est l'humain et Eli est le vampire...

...bien que les choses soient plus compliquées dans le roman Laisse-moi entrer que le film Morse adapté du livre.

Mais que vaut Morse en dehors de ses aspects inhabituels pour un film classé dans la catégorie "Horreur"?

La chose la plus incroyable est que ce dernier parvient à être mignon et glauque en même temps. En effet, Oskar étant un enfant à peine sur le point d'entrer dans le monde de l'adolescence et Eli, une personne "adulte" ayant gardé la mentalité d'une enfant de douze ans, ces deux derniers alternent entre jeux innocents...

...comme le Rubik's cube...

...naïveté infantile...

...représentée par des bonbons (que, hélas, Eli ne peut avaler les vampires se nourrissant uniquement de sang)

...et (re)découvertes de leurs corps qu'ils partagent ensemble dans une ambiance pré-pubère...

...le film n'hésitant pas à les montrer nus dans un lit où Eli caresse Oskar poussant des petits gémissements.

Mais le paroxysme sera atteint par cette scène riche en métaphores

https://youtu.be/KaZf8nQLDyk?t=119

...tout en laissant la romance rester celle de deux enfants se partageant leurs déclarations via des codes en morse (d'où le titre du film).

En dehors du couple lui-même, les petits tourtereaux sont intéressants à suivre dans leurs parcours psychologiques respectifs Oskar devant apprendre à gagner en assurance afin de ne plus se laisser être malmené par les enfants autour de lui et Eli devant apprendre à s'ouvrir aux sentiments au lieu de se contenter de "chasser" pour ne pas "mourir" révélant la signification de cette phrase pleine de sagesse du Capitaine B. McCrea

Je ne veux pas survivre. Je veux vivre!

Mais si les personnages principaux sont réussis, qu'en est-il des autres? Bien que n'ayant pas de personnalités et limités à la fonction de méchants très méchants, les tortionnaires d'Oskar (dont les noms d'acteurs ne sont injustement pas crédités) sont loin des brutes d'écoles classiques.

En effet, ce ne sont pas les bullies peu dangereux se contentant de te piquer ton goûter à la récré mais des tortionnaires terrifiants capables de pure brutalité sadique aussi bien physique que morale pouvant même aller jusqu'à être meurtrière.

Ce qui est encore plus vrai dans une scène où les brutes en question maltraitent horriblement Oskar; ayant malheureusement été coupée au montage final.

En parlant de ceci, un des plus gros défaut du film est le suivant. En effet, certaines scènes avec les deux protagonistes ont également été coupées au montage final tandis que d'autres avec des personnages secondaires inutiles envahissant plus le récit qu'autre chose ont été conservées.

Voici des scènes coupées potentiellement intéressantes (bien que l'on voit parfois qu'il était nécessaire d'en supprimer n'ayant pas leur place dans l'intrigue)

https://www.youtube.com/watch?v=w2w3FXAEnpM

En effet, un groupe d'adultes que je vais nommer Lacke (Peter Carlberg) et compagnie sont interchangeables se limitant au cliché du groupe de potes adultes se retrouvant pour boire un pot et rien d'autre. La seule qui se démarque du lot, c'est Virginia dite Ginia montrée comme la personne attentionnée pas seulement envers son mari mais aussi envers tous les autres tout en étant capable de se mettre en colère quand elle estime qu'on ne la respecte pas.

De plus, le parcours tragique de Ginia est bouleversant: victime hasardeuse du besoin de sang d'Eli, Ginia s'auto-condamnera à disparaître refusant de devenir un monstre contraint de faire du mal aux autres.

Après la mort atroce de sa femme, Lacke sera un peu plus intéressant à suivre durant une quête de vengeance pour Ginia qui le mènera également à sa perte par Eli qui boira également son sang.

Autre problème, le professeur de sport d'Oskar (dont l'acteur est injustement non-crédité également) manque cruellement de personnalité. Alors qu'il est censé être celui permettant à Oskar de gagner en assurance grâce à son enseignement, il apparaît très peu à l'écran et aucun des deux personnages n'ont de vrais échanges sincères. Dommage!

Après, si d'autres personnages ne sont pas très utiles, ni intéressants, ils existent dans le but de renforcer le sentiment de solitude d'Oskar.

En effet, entre une mère idiote (Karin Bergquist) et un père alcoolique (Henrik Dahl), on ne peut qu'avoir de la peine pour ce pauvre petit méritant une bien meilleure famille que celle-là.

Maintenant, parlons d'Hakan (Per Ragnar): bien que peu présent à l'écran son rôle ayant été réduit par rapport au roman d'origine Laisse-moi entrer que Morse adapte, il n'est toutefois pas fade. Protecteur d'Eli tentant de tout faire pour l'aider (bien qu'il ne soit pas très doué), prenant des risques périlleux...

...qui lui coûteront sa vie...

...on ne peut qu'être inquiet pour lui du fait qu'il aille jusqu'à tuer pour aider Eli nous faisant ainsi ressentir, malgré nous, de l'empathie pour lui.

Ce qui n'est par contre pas le cas dans le roman où on découvre les raisons dégueulasses le poussant à faire ces actes-là le rendant en réalité méprisable et détestable.

Toutefois, on apprécie Hakan de moins en moins au fil du récit ce dernier ne supportant pas qu'Eli s'attache à Oskar.

En dehors des personnages, le style du film ne plaira pas forcément à tout le monde car...

https://www.youtube.com/watch?v=yZj57gvsX44

En effet, Morse ne cherche pas à être film purement horrifique ou à suspense. C'est avant tout un film contemplatif, un style ne parlant pas forcément aux gens friands de films dynamiques.

Morse est, également, une oeuvre triste et assez réaliste sur des propos graves comme le harcèlement scolaire, la mort avec les nombreux meurtres de l'histoire et également symbolisé par un paysage enneigé sans vie dans des scènes se déroulant majoritairement pendant la nuit; et où l'incrustation d'un élément fantastique sert, au final, à renforcer ce réalisme plus qu'autre chose. En effet, le film se déroulant à Blackeberg, banlieue de Stockholm réputée pour être "mal famée" (particulièrement dangereuse/violente, présence de prostitution...), le vampire sanglant ne semble être là que pour aggraver/renforcer cette réputation.

Ainsi, Morse semble plus être un drame romantique réaliste qu'un film horrifique malgré le fait que le vampirisme ait une place essentielle dans l'avancée de l'histoire.

Pourtant, malgré cette ambiance pessimiste, le film se termine sur une note d'espoir avec nos très jeunes tourtereaux fuyant Blackeberg semblant avoir une mauvaise réputation irrécupérable afin de vivre une existence plus idéale à leurs yeux.

En regardant le film, on aurait pu être triste pour Eli car, en tant que vampire, elle est immortelle contrairement à Oskar étant un humain qui vieillira et mourra; ce qui fait qu'Eli sera à nouveau seule pour toujours.

Mais en réalité, ce n'est pas le cas. En effet, dans une série de nouvelles appelées Let the old dreams die (jamais sorties en France) écrite par le même auteur que Laisse-moi entrer que Morse adapte, on apprend qu'Oskar est devenu un vampire.

https://www.youtube.com/watch?v=Qzo99f-_5w4

Toutefois, ce n'est pas non plus un happy-end les petits tourtereaux étant des monstres condamnés à chasser sans le moindre plaisir pour survivre.

Ce qui fait que, malgré une note d'espoir pour l'avenir de nos deux protagonistes, la fin est amère Oskar et Eli étant condamnés à être des monstres malgré eux pour l'éternité.

Bref, un excellent film que je vous conseille si vous arrivez à passer outre sa lenteur.

Pour finir, exceptionnellement, j'achève cette critique en postant un amv sur ce petit couple à la fois mignon et glauque qui m'a beaucoup marqué

https://www.youtube.com/watch?v=_G4WP4ySXS8

Créée

le 6 oct. 2022

Critique lue 46 fois

3 j'aime

5 commentaires

BlackBoomerang

Écrit par

Critique lue 46 fois

3
5

D'autres avis sur Morse

Morse
Spark
10

"Laisse le bon entrer" ?... ouais c'est vrai que c'est moche.

Attention chef d'œuvre. Alors déjà, la décision d'intituler ce film « Morse », alors que le titre en anglais est Let the right one in – traduction littérale du suédois – mérite un débat à elle toute...

le 7 mai 2010

131 j'aime

18

Morse
Sergent_Pepper
8

Au-revoir les vivants

[Contient des spoils] Un film de vampires qu’on aurait vidé de son glamour, dans une Suède enneigée et socialement défavorisée. Des protagonistes de 12 ans. Pas d’espoir, ou si peu. Un programme...

le 6 mars 2014

116 j'aime

7

Morse
Lilange
8

Laisse-moi entrer

La neige immaculée recouvre une petite ville à l’agonie. Agonie silencieuse interrompue par un souffle, une voix : Oskar. Une tête blonde angélique ? Les apparences peuvent être trompeuses… Une...

le 22 févr. 2016

56 j'aime

12

Du même critique

Le Noël de Mickey
BlackBoomerang
8

Dickens et Picsou

À l'approche des Fêtes, il est courant de raconter des Contes de Noël aux enfants. Parmi eux, il existe une très célèbre histoire créée par le défunt Charles Dickens: Un Chant de NoëlCet ouvrage a...

le 24 déc. 2022

13 j'aime

16

L'Histoire sans fin
BlackBoomerang
9

L'Histoire d'Atreyu, de Bastien et du lecteur

Au moment où j'écris la critique de ce roman, je tiens à dire que je l'ai lu en un week-end tellement je le trouvais passionnant.Certes, j'ai déjà lu un livre en entier en un soir mais il était moins...

le 3 mars 2024

12 j'aime

126