Hercule Poirot est en vacances au bord du Nil. Malheur ! Une des passagères de sa croisière vient de se faire assassiner et ce ne sont pas les suspects qui manquent. Le problème est que les deux principaux, et deux idéaux, ont un alibi en béton.


J’ai été agréablement surprise par la performance de Peter Ustinov qui est, jusque-là, l’acteur anglophone qui parle le mieux en français (bon, après je lui préfère le physique de David Suchet) et qui a joué Hercule Poirot. J’attends toujours avec impatience l’acteur véritablement francophone qui jouera Poirot. Mais bon, en attendant Ustinov est peut-être le seul point positif du film.
Oh, les acteurs sont bons aussi ! Et ça fait plaisir de voir un aussi riche casting… mais honnêtement, le film est moyen.
Par quoi commencer ? La réalisation ? Ah, ça, on sent qu’ils ont eu les moyens de tourner en Egypte ! Tellement les moyens qu’ils ont pu jouer dans plusieurs décors historiques… sans aucune logique. Ah, c’est le plaisir de dire : « regardez les belles pyramides ! » ou « Oh, le beau temple ! » mais honnêtement, ça n’a pas beaucoup de sens. Bon, certes, il n’y a pas beaucoup de films qui peuvent se targuer de tourner entièrement dans le pays où est censé se produire l’action (surtout que c’était la fin d’une courte période où on pouvait le faire) mais ce n’est pas une excuse pour être incohérent. La nana qui débarque au milieu de nulle part, dans le désert, sur une pyramide, au même endroit, pour faire chier son ex et sa nouvelle épouse, tu ne sais pas comment elle a débarqué mais sûûûûûûûrrrreeee… c’est crédible.
Ça valait le coup de dépenser tout le budget dans le salaire des acteurs et le tournage sur place ! Surtout quand c’est pour fournir trois plans à peu près convenable et le reste… que dalle ! Je ne plaisante pas : la réalisation est digne d’un téléfilm ! Je me suis posée la question à un moment donné.
En même temps, il faut me comprendre : les choix d’adaptation sont tellement étranges que ça n’a aucun sens. Déjà, on va modifier les personnalités des deux personnages principaux : Linnet, la victime, passe d’une jeune fille gentille et douce mais peu au fait du malaise qu’elle crée avec sa richesse (elle a un petit côté fille pourrie gâtée involontaire, notamment parce qu’elle ne se rend pas compte qu’elle n’est pas le genre de femme à qui on dit non) à une capricieuse qui utilise son argent et sa réputation pour détruire des vies, peu importe les conséquences, tant qu’elle obtient ce qu’on veut. C’est aussi la personnalité « dominante » dans le film du duo, ce qui est, pour moi, une absurdité. Mais pour expliquer l’absurdité, présentons Jackie, la principale suspecte, meilleure amie bafouée de Linnet : dans le livre, c’est une lionne. Une femme qui sait ce qu’elle veut, très intelligente, débrouillarde et surtout follement amoureuse de son Simon. La femme forte semble anéantie par la trahison mais on comprend néanmoins que ça reste dans son caractère de les harceler comme elle le fait. La résolution nous fait comprendre que c’était voulu et surtout que le plan ne marche qu’à son formidable caractère, sa persévérance et son intelligence. Dans le film, grâce à Mia Farrow, elle est soumise. Elle subit presque l’action et c’est un miracle qu’elle prenne une décision de son plein gré à la fin. Le livre nous dit qu’elle est l’instigatrice principale (Simon a donné l’idée originale mais c’est elle qui a tout organisé), le film en fait une complice plus ou moins consentante de son amoureux.
Ce changement est frustrant pour deux raisons : la première est qu’on transforme la victime en une bonne vieille garce que tout le monde rêvait de voir morte (en plus de rendre le meurtre cruellement commun avec tous les dix dernières personnes qu’elle a réussies à fâcher réunis par hasard au MÊME endroit !) ; la deuxième est que Jacky est véritablement celle qui fait tout le travail physique (quasi)… en bonne petite amoureuse manipulée. Superbe histoire d’amour maudit ! Surtout que le film transforme toutes ses femmes en manipulatrices perfides ou en jeunes ingénues soumises.
Mais bon, ce ne sont pas les seuls clichés que diffusent le film : le maître d’hôtel indien est un cliché ambulant qui n’existe pas dans le livre et… qui, même pour les années 70, était d’un racisme sans nom !
La reconstitution historique est très mal faite, notamment parce qu’ils ont foutu quinze kilos de maquillage à toutes les femmes de plus de cinquante ans (curieusement, je pense qu’ils ont foutu leur représentation des vieilles dames dans les années 70 qui portaient toutes beaucoup de maquillages car la plupart… avaient eu vingt ans dans les années 20-30, à une époque où le port du maquillage s’était modernisé) et certaines tenues sont véritablement… douteuses.
Quant au scénario, et bien, s’ils ont réussi à bien simplifier l’histoire en fusionnant des éléments du livre, il y a beaucoup d’autres détails du livre… que je trouve douteux. Deux choses m’énervent particulièrement :
La première est cette particularité du film à toujours vouloir confronter chaque témoin et d’émettre l’hypothèse qu’il soit le tueur. Visuellement, on va alors détailler la-dite hypothèse en montrant comment le meurtrier s’y serait pris. Le problème est qu’on ne peut plus croire ce qu’on voit visuellement : une tentative de nous brouiller l’esprit ? Non. Juste d’avoir l’air plus dynamique en montrant comment ça aurait pu se passer mais comment ça s’est très probablement pas passé (je suis désolée mais une petite vieille qui vole un collier a un milliard d’autres solutions que de se munir d’un flingue tombé par hasard dans une pièce où elle n’était pas pour tuer la victime et voler son fichu collier n’est absolument une hypothèse crédible du début à la fin !).
La deuxième est justement ce tic narratif (que je déteste) propre aux enquêtes policières où les enquêteurs accusent sans arrêt les témoins jusqu’à trouver leur coupable : déjà, comment pouvez-vous croire à l’innocence de telle personne après autant de secrets et de mensonges et ensuite comment pouvez-vous être sûrs que ça ne va pas pousser un innocent (ou le coupable) à faire des bêtises qui niqueront votre enquête ? Et puis, je ne sais pas, mais si j’étais accusée tous les deux jours, il y a un moment, je ne collaborais plus du tout (avocat ou pas) avec la police.
C’est pour moi le signe d’une véritable paresse d’écriture, notamment parce que c’est nul à suivre comme enquête. Christie le faisait déjà un peu vers la fin mais ça passait ! Là à partir du deuxième acte, on n’a plus que ça ! Jusqu’à la résolution finale ! Et après, le Poirot, il ne s’excuse même pas d’avoir insinué deux ou trois accusations à droite et à gauche ! Ah, bah, non ! De tout de façon, tout le monde est occupé à vivre heureux !
En espérant quand même que la prochaine adaptation de ce roman soit un peu plus correcte que ça… Hein ? Comment ? C’est celle de Kenneth Branagh ? Malédiction !

Créée

le 9 févr. 2022

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