« Une année, un film » : Mr Smith au Sénat, réalisé par Frank Capra et sorti le 19 janvier 1940.


Welcome to the 40’s ! Alors que la guerre fait rage en Europe, le cinéma poursuit son évolution outre-Atlantique, et nous fait rencontrer de nouvelles têtes, comme celle de James Stewart, choisi par Frank Capra pour le rôle principal de son nouveau film, Mr Smith au Sénat.


Lorsque l’un des sénateurs décède, les instances de l’assemblée se mettent à débattre sur le nom du nouveau pensionnaire du Sénat. Les voix se confrontent, défendant leurs intérêts, et cherchant à trouver le choix le plus judicieux dans la réalisation de leurs projets. Le gouverneur de l’état concerné, ayant pour tâche de désigner le nouveau sénateur, ne sait plus où donner de la tête, étant tiraillé entre Taylor, gros bras de l’économie locale, voulant désigner à sa place, l’opinion publique qui souhaiterait un réformateur, et les enfants même du gouverneur qui souhaiteraient voir Jefferson Smith, chef des Boy Rangers, se faire attribuer la place. Le sort penchera en la faveur de ce dernier, sur un simple pile ou face, symbole même d’une relativement faible préoccupation concernant cette décision, un choix également motivé par le jeune âge de Smith, d’apparence naïve et aisément influençable.


Car le personnage de Jefferson Smith est l’incarnation même de la candeur et de la naïveté, celle d’un homme d’un état de l’ouest brutalement propulsé sur les bancs de l’inébranlable démocratie américaine, au Sénat, chambre ô combien symbolique abritant les esprits les plus brillants de la patrie, hommes de loi et de foi œuvrant sans relâche à la création d’un monde meilleur. Du moins, c’est ce que notre jeune sénateur croit, émerveillé en contemplant les rues de Washington, l’obélisque, le Capitole, des symboles forts pour lui, manifestations de la noblesse d’une institution fondée sur des bases fortes.


Timide, maladroit, Smith est comme un enfant dans cette vaste fourmilière politique. Mais heureusement, Saunders, sa secrétaire, est là pour l’aider. D’abord atterrée et fatiguée par les maladresses du jeune sénateur, elle va vite être touchée par sa sincérité et sa volonté sans failles. Smith est tellement désorienté et submergé par ses nouvelles responsabilités que c’est même un enfant qui va le guider à travers ses premiers pas dans le grand hémicycle. Mais les belles façades des grands monuments de Washington cachent de nombreuses combines, et l’envers du décor est guère engageant. Politiciens corrompus ou je-m’en-foutistes, le Sénat est un véritable marais regorgeant de crocodiles.


Son rêve devient vite un cauchemar, et il ne trouve sa consolation qu’en allant voir la déclaration d’indépendance des États-Unis, ou en rendant visite à la statue de Lincoln. Dans ces pérégrinations solitaires, il trouve la force pour lutter contre l’injustice que dénonce ce film avec justesse et efficacité. Suivant un rythme effréné, nous sommes immergés dans les coulisses de cette haute instance de la politique américaine, se targuant d’être fondée sur des valeurs nobles, et n’étant plus devenue qu’une fosse aux lions où chacun s’obstine davantage à défendre ses propres intérêts plutôt que de penser à ceux du pays.


James Stewart vit son rôle à fond, et n’a de cesse de nous convaincre à le supporter dans son combat tout le long du film, une lutte menée à l’aide de la belle Jean Arthur, soutien essentiel à l’entreprise du jeune sénateur. Emportés par l’entrain du jeune sénateur, vous êtes pris par cette même fougue, vous êtes animés par le même courage, puis vous déchantez rapidement à la rencontre du monstre corrompu qui met tout en œuvre pour saper vos plans. Touchant, captivant, noble, les qualificatifs ne manquent pas à ce personnage ô combien symbolique incarné par un acteur au sommet de son art.


Critique d’un système aux aspirations démocratiques, mais sujet à maintes dérives, Mr Smith au Sénat vise juste et parvient, malgré la fatalité apparente, qui est celle de l’impossibilité à lutter contre la corruption, à nous faire garder espoir et à montrer qu’il est également possible d’exploiter certaines faiblesses du système pour combattre ceux qui errent sur la mauvaise voie.


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le 26 avr. 2015

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