Murderock
4.7
Murderock

Film de Lucio Fulci (1984)

Réalisé juste après après la période faste de Lucio Fulci dans le genre horrifique, qui a donné naissance à des chefs d'oeuvre tels que L'Enfer des zombies ou Frayeurs, Murderock tente de lier (aussi maladroitement d'ailleurs que le fait son titre) les univers antinomiques du film musical 80's tendance Flashdance, qui vient alors de sortir, au giallo-crado dont son auteur a livré le film définitif avec L’Éventreur de New-York.


Considéré généralement comme un navet, Murderock, mérite-t-il vraiment l'opprobre dont il est régulièrement couvert ? Oui, peut-être, et en même temps... non, pas vraiment pas. Vous noterez l'hésitation dans le ton de cette chronique, qui ne fait que traduire l'hésitation du film lui-même, coincé dans un concept absurde et intenable, lequel lui donne pourtant tout son sel. On a beau jeu de s'esclaffer devant les scènes de danse, qui sont certes d'une ringardise absolue. C'est toutefois oublier qu'elles sont filmées avec un certain sens du découpage, agressif et syncopé comme les chorégraphies des danseuses, et une science du cadrage malsain que le réalisateur a toujours eu, ce qui les rend finalement aussi glauques que kitsch.


En fait, plutôt que de tirer son film de tueur en série vers le clip musical (ce que d'autres ont pu faire avec succès, comme Michael Mann (Manhunter) ou Kathryn Bigelow (Blue Steel) ) Fulci va, comme à son habitude, contaminer de son esthétique poisseuse un genre a priori lisse et inoffensif. On assiste donc à un ballet de personnages détestables, évoluant dans des décors froids et rendus inhospitaliers par une photographie que je qualifierais de "grasse", faute de connaissances techniques pour l'exprimer. Le New York hivernal et sale des années 70-80 se prête admirablement au petit jeu de désacralisation auquel se livrent Fulci et son chef-op Giuseppe Pinori. Les intérieurs oppressants, comme enfumés, et aux éclairages agressifs (souvent en pleine poire du spectateur) créent le malaise, le pompon étant atteint lors de la première scène de meurtre, alors que l'éclairage, sous le prétexte fumeux de l'injonction à quitter les lieux (rappelons que c'est une école de danse, pas un labo top-secret...), alterne lumière blafarde et obscurité totale de deux secondes en deux secondes. Une première scène programmatique de l'inconfort dans lequel le spectateur sera plongé durant 1h30.


Le scénario se tient bon an mal an, dans la lignée du giallo tardif, qui a compris que l'intérêt du spectateur n'est plus dans les intrigues à tiroirs mais dans le spectacle d'une violence psychanalytique plus proche du slasher que d'Argento. Au centre de l'intrigue, le songe d'Olga Karlatos, qui rêve de son propre meurtre, rappelle que Fulci n'a pas son pareil pour filmer les cauchemars. Quant à la musique, certes les musiques des scènes dansées sont horribles, mais il ne faudrait pas balayer d'un revers de la main l'ensemble du travail de Keith Emerson, dont le score synthétique et virulent accompagne parfaitement les exactions nocturnes du tueur à l'aiguille à chapeau (!). Dommage que celles-ci soient si répétitives et si peu spectaculaires.


Voilà donc un film bien embêtant. Tout n'est pas réussi dedans, très loin de là, mais de l'avoir enfin vu après des années à lire les pires horreurs sur son compte, m'a un peu attristé. Je pense sincèrement que Murderock, aussi bancal soit-il, ne mérite pas un tel traitement. Pour autant, je ne le défendrais pas corps et âme, et je comprends qu'on puisse se marrer devant ; mais je perçois avant tout devant ce film la patte reconnaissable entre mille de son auteur, et la volonté de celui-ci livrer un produit atypique, travaillé et personnel.

Seet
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le 2 sept. 2020

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