Muriel
6.8
Muriel

Film de P.J. Hogan (1994)

Un film aux accents Shakespeariens

Au premier regard, Muriel s'apparente à une gentille petite comédie un peu kitch avec ses personnages haut en couleur sur un ton revanchard.


Mais quand on regarde d'un peu plus près, on se rend compte en réalité que ce film a de fort relents de drames Shakespearien. Car à mon sens le véritable intérêt du film ce n'est pas tant Muriel (même si elle est très bien jouée) mais sa mère.


Je m'explique, Muriel ne rêve que d'une chose, se marier, pour exister, pour être utile. Elle a grandit dans un environnement où on lui a dit à longueur de temps qu'elle était moche, grosse et surtout qu'elle ne servait à rien, un peu comme sa mère en somme qui constitue plus une gêne qu'autre chose pour la famille.


Rejetée, elle ne rêve que de mariage. Pourquoi ? Car dans son esprit se marier c'est avant tout être choisie par quelqu'un, être acceptée et surtout démontrer aux autres que l'on peut être choisi, donc voulu.


C'est d'ailleurs assez frappant que tout le long du film ce type de réplique revienne fréquemment "moi je suis quelqu'un, car je suis mariée", "mais non tu n'es pas inutile, tu es fiancée, il y a bien un homme qui veut t'épouser, etc ..." Alors oui le développement de cette image de la femme qui n'a pas de valeur hors de mariage manque de finesse dans le film.


Si on s'arrêtait là, le film serait sans doute très moyen, oui mais voilà, comme dit plus haut, le véritable intérêt de Muriel ce n'est pas Muriel mais sa mère.
Car si on lit entre les lignes on finit par se rendre compte que ce rôle idéalisé de la femme dans le mariage et les aspirations de Muriel sont mis en abîmes avec la mère de celle ci.


Souvenez vous de cette brave femme, un peu obèse. La première fois qu'on l'aperçoit elle est dans sa cuisine, comme ailleurs, elle est là, elle attend, elle ne fait rien. Ah si, le père demande un thé, un des enfants se joint à lui dans cette demande, aucun déplacement, juste un ordre hurlé d'une autre pièce. Et là elle s'éveille à peine, pour obéir à cette demande.


On comprend très vite que cette femme, mariée, n'a aucune valeur aux yeux de son mari, pas plus aux yeux de ses enfants. Et pourtant ils sont toute sa vie, sa raison d'être. Son mari ? Il ne la voit que comme la personne s'occupant de ses enfants, une gêne dont il aimerait se débarrer et qu'il n'hésite pas à tromper. Ses enfants ? Ils ne font rien, des légumes, ils se reposent de tous leurs poids sur ses épaules et la traitent comme une bonniche, sans aucune considération, mais elle leur fait honte.


Comment Muriel peut elle à ce point désirer le mariage quand elle a vu le résultat de celui ci sur sa mère ?


Sa mère vit dans une illusion, elle n'est plus qu'un fantôme, l'esprit ailleurs. Et pourtant elle ne cessera d'avoir le coeur brisé, d'aller de déception en déception et au fond c'est bien Muriel qui la mènera à la mort.


On sent bien qu'elle se sent particulièrement proche de Muriel et pourtant Muriel lui ment, Muriel la déçoit, Muriel abuse de sa gentillesse pour la foutre dans la merde. Au fond pour s'émanciper Muriel se sert de sa mère comme marche pied.


Et là c'est le début de la fin, son mari la tient pour responsable du départ de Muriel mais surtout de la disparition de l'argent. Et il prend prétexte de cette culpabilité pour partir... rejoindre sa maîtresse. Son monde s'écroule petit à petit, elle se raccroche désespérément aux branches, n'ose croise que son mari l'a réellement quitté, encore moins pour une autre femme. Tente de ramener Muriel dans le cocon familial, continue à s'occuper de ses enfants, mais rien n'y fait.


Tout d'un coup les choses semblent aller mieux, sa fille, sa Muriel va enfin se marier dans un grand mariage. Elle prend le bus pour se rendre à se mariage, réellement heureuse pour elle mais non, encore une fois son coeur se brise. Elle voit son mari accompagné de cette autre femme, elle voit Muriel les enlacer et partager avec eux sa joie et surtout... elle voit sa fille passer devant elle et l'ignorer.


(Et à ce moment là je mets quiconque au défi de ne pas avoir un pincement au coeur pour elle !)


Assommée, elle rentre chez elle, mais son coeur n'a toujours pas finit de se briser. Son mari rentre, prend ses dernières affaires et s'en va définitivement annonçant qu'il va rejoindre l'autre femme. Elle le laisse partir presque sans un mort, sans un pleur, le regardant simplement s'éloigner par la fenêtre. Cherchant un coupable, elle se retourne contre ses enfants fainéants dans une ultime rébellion mais c'est déjà trop tard. Le coup de grâce marquée par la gifle que son fils lui rendra.


C'est fini, elle s'est réveillée et s'est rendue compte qu'elle n'avait plus rien.


Ce n'est qu'à sa mort, qu'elle sera enfin considérée comme "utile" par ses proches, à l'exception de certains de ses enfants abasourdis par son suicide. Paradoxalement, cette mort sera surtout utile à Muriel, elle la fera enfin changer et évoluer.


Voilà, j'adore ce film, et ce principalement pour le personnage de la mère.

IrinaSchwab
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le 12 avr. 2013

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Irina Schwab

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