Un village perdu à un carrefour stratégique entre l’Iran, l’Irak et la Turquie, coupé du monde depuis que le pont routier a sauté. Au cœur de ces montagnes kurdes, il faut par conséquent circuler à pied ou à cheval. C’est en marchant que Govend rejoint le lieu de son affectation comme institutrice, tandis que Baran, ancien combattant devenu officier de police fraichement débarqué, parvient à cheval dans ce croisement de cultures et d’intérêts où pullulent les trafics et où il entend faire respecter la loi. Gowend et Baran incarnent l’avenir du Kurdistan : sans être révolutionnaires ni anarchistes, ils sont des progressistes convaincus, défenseurs des valeurs laïques et opposés à tout archaïsme. L’une comme l’autre, confrontés aux questions de l’honneur et des traditions, deviennent les cibles de la communauté du village retranché.

Le réalisateur kurde Hiner Saleem (Si tu meurs, je te tue, Kilomètre Zéro, Vodka Lemon) emprunte aux codes du western pour mettre en scène une histoire tragi-comique. Il faut avouer que les paysages montagneux s’y prêtent à merveille, parcourus de bandes d’hommes chapeautés et armés, d’hommes…ou de femmes aussi comme ce groupe de combattantes et de résistantes kurdes de Turquie luttant pour les droits de leur peuple. L’institutrice Govend (interprétée par la sublime Golshifteh Farahani) dérange plus encore que l’autre nouvel arrivant l’ordre établi par le caïd local et exacerbe les tensions, un peu comme Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l’Ouest. Le registre se situe d’abord dans le sourire (une pendaison qui échoue, Govend submergée par la protection de ses nombreux frères) avant de devenir beaucoup moins léger. Les trafiquants en drogues, médicaments et armes ne sont pas que des cow-boys d’opérette avec leurs airs méchants, juchés sur leur monture. On ne fait pas semblant tant les enjeux d’une région en pleine reconstruction sont importants, démultipliés par la circulation des milliards de dollars de l’activité pétrolière du secteur.

Même si son déroulement parait prévisible, My Sweet Pepper Land, faisant la synthèse entre rires et larmes, se révèle un beau moment grâce au talent des deux comédiens, à la splendeur majestueuse des lieux, mais aussi à l’acuité qu’il montre à traiter une problématique compliquée, empêtrée dans les contradictions qui voient s’affronter le respect des rites séculaires aux visées modernistes et démocratiques, principalement soutenues par les femmes insoumises et opiniâtres.
PatrickBraganti
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le 11 avr. 2014

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