Ne m'oublie pas
7.5
Ne m'oublie pas

Documentaire de David Sieveking (2013)

Témoignage au plus près de la maladie d’Alzheimer

Entre le film et le documentaire.


David Sieveking filme sa mère Gretel et son père Malte, alors qu'il passe un séjour chez eux.
Il est venu prendre le relais de son père, pour s'occuper de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer.


C'est très émouvant de voir ce fils s’occuper de sa mère qui perd peu à peu la mémoire et ses facultés mentales. Il est très actif à ses côtés, extrêmement prévenant dans les gestes de la vie quotidienne. Il se rend compte combien cela peut être difficile et usant pour son père de s'occuper d'elle, depuis que sa femme est tombée malade, c'est-à-dire deux ou trois ans.


David et son père sont très doux avec Gretel. Ils rient avec elle, cherchent à la dynamiser, en lui proposant des activités. Ils la font participer aux taches ménagères, stimulent sa mémoire.


Gretel a gardé son sens de l'humour, son goût pour la musique; elle reconnait les endroits où elle a vécu. Elle confond les personnes de sa famille.
Elle admet ses failles et ses limites, ce qui est rare chez les malades d’Alzheimer, qui dans la plupart des cas, cherchent à camoufler leur tous de mémoire, leur désorientation, voire les symptômes de leur dépression.
La sœur de David est présente elle aussi. Elle amène souvent ses deux fils, afin de tenir compagnie à sa mère et la garder en contact avec le monde dynamique de la jeunesse.


Gretel est souvent dans le vague, et de plus en plus. Elle se dit fatiguée; elle ne veut pas se lever de son lit; elle garde les yeux clos.
Mais, par moments, elle a des sursauts d'énergie. Elle retrouve alors des bribes de mémoire. Les photos l'aident à se remémorer des instants et des figures de son passé. Elle a même des vrais instants de communication avec ses proches (des gestes tendres avec son mari et son fils) et des instants de bonheur (comme écouter chanter ses petits fils ou redécouvrir les montagnes suisses de sa jeunesse).


J'ai trouvé formidable que le réalisateur ait capté ses moments et qu'on puisse en être témoin. C'est un témoignage vraiment unique sur ce que peuvent être les effets de la maladie d’Alzheimer, qui sont bien sûr propres à chaque personne, mais qui présentent certaines caractéristiques communes bien décrites dans la nosographie de cette maladie.


Tous les proches de Gretel s'inquiètent évidemment pour sa santé, mais ils sont aussi soucieux de son état psychologique. Ils cherchent la meilleure solution pour elle, avec énormément d'amour et de tendresse.
Ils hésitent entre continuer à faire vivre Gretel à la maison, aidés par une aide médicale disponible jour et nuit à domicile, ou à la faire admettre en maison médicale spécialisée. Ce choix est loin d'être évident pour eux. Une scène entre le père, la fille et le fils témoigne de leur souffrance et de leur désarroi face à l’évolution de la maladie de Gretel et face à son changement de personnalité.


Ce séjour est pour David l'occasion de passer en revue la vie de ses parents.
Celle de sa mère, militante pacifiste, féministe et anarchiste. Celle de son père, chercheur en maths. Leur vie n'a pas été habituelle.


Grace aux révélations de son père et par des photos, David découvre les relations extra-conjugales de ses parents, chose qu'il n'avait pas imaginé jusqu'alors.
Il se rend même compte qu'il n'a bien failli ne pas naître, si ses parents ne s'étaient pas réconciliés juste avant leur retour en Allemagne.


La lecture du journal intime de sa mère par son père lui apprend qu'elle souffrait des relations adultérines de son mari, même si un pacte de liberté avait été conclu entre eux et qu'elle en avait profité aussi de son côté en ayant eu un amant, au sein de son groupe anarchiste, alors qu'ils vivaient en Suisse.


C'est donc une sorte d'enquête sur sa mère que mène David.


Il souhaite aussi profiter des derniers moments de lucidité pour passer de bons moments avec elle Gretel a conservé un certain humour et est assez agréable à vivre. Elle n'est pas agressive ou trop déprimée, contrairement à certains autres malades, atteints de la même maladie.
David profite du restant d'énergie et de vitalité de sa maman pour retourner dans des endroits importants de la vie de Gretel et de Malte. Ainsi, ils visitent la région suisse où ils ont vécu leur jeunesse, la ville allemande où ils se sont rencontrés.
David ira même jusqu'à faire rencontrer à Gretel sa sœur aînée qu'elle reconnait aussitôt et ses vieilles amies du groupe féministe qu'elle co-animait.


C'est vraiment intimiste et émouvant de pénétrer ainsi la vie de cette famille et de voir au quotidien la fin de vie de cette femme, qui fut visiblement admirable, et qui en tout cas était adorée des siens.


Ce film amène parallèlement à une réflexion sur comment traiter au mieux les malades d'Alzheimer, sur ce qu'est la mémoire, ce que sont les souvenirs etc.
On pense inévitablement à ce qu'on ferait si un de nos parents était atteint de la même maladie ... Quelles relations garderait-on avec elle ou lui; quel choix ferait-on pour sa vie ?

Créée

le 3 sept. 2017

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