Immense succès à sa sortie sur les écrans russes, Night Watch, réalisé par l'ancien publicitaire Timur Bekmambetov, emprunte aux codes du fantastique et de l'épouvante pour offrir une histoire de lutte entre forces du bien et du mal.


Des effets spéciaux corrects, de bonnes idées de plans, d'ambiance, plusieurs fois poétiques, parsèment ici ou là ce film au demeurant insupportable la plupart du temps, la faute à une frénésie sonore et visuelle dispensable, ainsi qu'à des gros plans parkinsoniens ou incompréhensibles d'un point de vue montage.
Pour autant, la réalisation et le montage, ne sont pas le pire aspect du film.


Qu'est-ce qui ne tourne pas rond avec ce cinéma russe ?
Comble du paradoxe, il y a un peu plus de 30 ans, et même du temps de Kroutchev ou Breijnev, on pouvait voir des films subtilement dissidents ou qui titillaient l'autorité soviétique par des déplacements de contexte, d'époque, ou de genre, dans le récit, ainsi parvenant parfois à contourner la censure. Aujourd'hui, on titille plus souvent la dissidence. Pas besoin de placer l'intrigue dans un moyen-âge alternatif, ce dernier s'invite dans le présent ! Et ça ne se produit pas de la plus noble des manières.


Adapté d'un roman à succès écrit par un kazakh moscovite de formation psychiatre.., Night Watch part d'un conflit à priori convenu et éprouvé entre forces du bien et forces du mal qui s'achève par une trêve. La liberté est adoptée comme tribut de la fin du carnage, et les deux camps deviennent les protecteurs de ce nouvel ordre, les mauvais prenant le titre de daywatchers et les bons celui de nightwatchers. Idée pourtant pleine de promesses, le film ne tarde pas à sombrer dans ce qui ressemble bien à de la mauvaise foi dès la seconde scène, et ce en dépit d'une trame ultérieure intéressante tournant autour de la notion de malédiction qui sera au final d'avantage comparable à une fausse piste sensée nous faire penser que le héros a le beau rôle. Ce dernier, d'abord jeune homme un peu perdu rompt la règle de la trêve en s'offrant les services d'une sorcière afin de conduire sa compagne (qui l'a quitté) à revenir auprès de lui par la perte de sa progéniture, alors en gestation. La vieille dame est alors interpellée pour "meurtre de foetus", rien que ça (Russia 2008…) et pas tant pour magie noire. Car, pour un pays qui le condamne toujours, à travers cette association déjà bien curieuse entre avortement, meurtre, et magie noire, c'est bien le rapport parent/enfant (ou plutôt parent/foetus, du coup..) qui sera au coeur du film par la suite, quitte à en remettre une couche dans la dernière partie.
Mais le deuxième coup, le plus ahurissant par la moisissure qui entoure son principe, c'est l'idée qu'il suffit d'avoir de mauvaises pensées pour provoquer des tragédies. Vraiment là, chapeau bas les artistes, nul doute que ça n'inquiétera pas une autorité qui règne tant par la persuasion que par la force et l'intimidation, quand ce n'est pas la séduction qui marche.
Le film s'achèvera par un retournement de rôle, toujours filmé comme une publicité pour café de marque, avant de nous laisser avec un générique tenu de façon incompréhensible en ambiance par le groupe de nu métal français Playmo.


Pédopsychiatre je vous dis.


Résultat des comptes, un film russe intriguant, échouant à coté d'une réelle profondeur sur un thème écoulé qui aurait pourtant pu être ici l'occasion de le sortir de la suffisance avec laquelle le cinéma de divertissement, d'aventure ou de fantastique, l'a souvent traité.
On aurait pu voir une exploration de la perpétuation du mal avec la métaphore de la malédiction ("Tout cela parce qu'un être humain en avait maudit un autre") mais au lieu de cela le film se contente, au cours d'une rapide prédication, de rester proche de la surface, avant d'aller achever la légitimité de la sympathie envers le héros dans laquelle on nous avait entraîné.
Peut-on parler d'un chef d'oeuvre de manipulation dans une enveloppe esthétique publicitaire crasse ? Peut-être, le film a le mérite d'être explicite, garde quelques qualités d'ambiance et parfois même de photographie malgré un coté gibsonien pas si mauvais gout qui rappelle Apocalypto. Que demande le peuple, enfin, je veux dire, que demande t-on au peuple ?


Je mets 3 étoiles pour l'ambiance, 1 pour le sujet, 1 pour l'astuce mais faut pas pousser.

Greenbat85
5
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le 24 mars 2022

Critique lue 10 fois

Greenbat85

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