Les frères Coen ont plusieurs casquettes.
Celle de l'humour noirissime sur fond de polar (Fargo ; Burn after reading...), celle de la comédie jouissive et déjantée aux dérapages potaches contrôles (Intolérable cruauté; The Big Lebowski; Ladykillers), celle de la "revisite" de la mythologie américaine (True Grit ; O brother...).
Des casquettes d'ailleurs sans cloison, qui se mélangent dans chaque oeuvre à bien des égards.
Et puis il y a la casquette OVNI, celle d'"on dirait presque pas un film des frères Coen". Ca donne des tueries (au sens figuré ce coup-ci)aux allures de chef d'oeuvre comme Barton Fink, ou The Barber, des rêveries métaphysiques telles A serious man.
Puis il y a cet inclassable No country for old men.
Selon moi, les frangins à leur meilleur.
Un héros taciturne, redneck mais sans la propension à l'expansion propre aux persos du cru Coen, tout le charisme d'un Josh Brolin ici moustachu, tombe sur le jackpot en cash, parmi les cadavres pourrissants d'un règlement de compte à la OK Corral, en plein désert et mettant visiblement en scène des trafiquants de drogue.
Il l'embarque et laisse un moribond en plan qui lui demande de l'eau. Avec un soupçon de culpabilité, il finit par apporter de la flotte au mourant à la nuit tombée. Mais des collègues trafiquants légitimement enragés par cette scène de crime tombe sur notre héros et lance la traque.
Il se tire avec le magot en demandant aussi à sa copine de mettre les voiles de leur gourbi, de son côté.
Les lésés envoient un des pires méchants du cinéma aux trousses du héros, heureusement courageux et assez malin.
Javier Bardem, avec sa coupe de chiotte "so 70's", son regard de dingue, sa voix clairette flippante, est proprement terrorisant. Sans le moindre soupçon de morale, sans pitié, sans remords, presque sans raison...
C'est un empilement de grandes scènes, de purs moments de suspense parfois dignes du Hitchcock de La Mort aux Trousses, entrecoupés de saisissants moments pseudo-philosphiques portés par un Tommy Lee Jones magnifiquement désabusé, nostalgique, trop vieux pour ces conneries. Un second rôle, mais un de ses plus grands sans doute. Des dialogues ciselés, une tension constante, une profondeur inattendue sur ce point de départ qui fait série B (sur le papier seulement)... Une réussite.

Oneiro
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le 28 janv. 2013

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