Après une batterie de films ouvertement comiques, les frères Coen retournent à l'un de leur genre de prédilection : le polar sombre, abstrait et violent, avec en prime l'ancrage dans l'Amérique profonde (ici, le Texas de 1980).


"No Country for Old Men" évoque l'histoire de Llewelyn Moss, modeste et très débrouillard ouvrier texan. Un jour, il découvre les restes d'une fusillade entre trafiquants de drogue, et décide de s'emparer du juteux butin laissé sur place. Il sera alors traqué par divers individus, dont un dangereux tueur psychotique.


Le clou du film est bien ce sûr ce dernier. Implacable, redoutable, froid, et obéissant à des règles absurdes, ce mélange entre Léon, Mireille Mathieu, et Vincent de "Collateral", phagocyte l'écran à chacune de ses apparitions mémorables. Entre le jeu hagard et sournois de Javier Bardem (qui remportera une pluie de récompenses pour ce rôle), des dialogues excellents, et des gimmicks visuels bien trouvés (une bouteille d'air comprimé diablement utile, une coupe de cheveu improbable), Anton Chigurh est certainement l'un des meilleurs méchants des années 2000 au cinéma.


Il en éclipse presque les autres acteurs pourtant très convaincants : Josh Brolin en héros déterminé à protéger son pactole, ou Tommy Lee Jones en shérif vieillissant atterré par la violence qui ronge son pays. Bien que peu actif dans l'intrigue, c'est ce dernier qui donne son sens au film, évoquant une région qui change. La drogue est désormais là, accompagnée d'une violence jamais vue alors. Ceux qui n'y sont pas près devront se battre comme jamais, céder la place, ou devenir rapidement des victimes incapables.


Le tout transcrit à travers une ambiance visuelle de néo-western... et quelques choix très audacieux. Outre des éléments scénaristiques pertinents mais pour le moins étonnants, la quasi absence de musique n'empêche par exemple pas les scènes de traque et de fusillades d'être extrêmement efficaces et nerveuses. Ceci étant aidé par la magnifique photographie de Roger Deakins, qui se montre aussi adroit dans des paysages désertiques ensoleillés, des confrontations nocturnes, ou une poursuite aux premières lueurs.


Fable pessimiste et sombre (quoique l'on y retrouve quand même un peu d'humour noir cher aux réalisateurs !), "No Country for Old Men" est surtout un film puissant, et incontournable des années 2000.

Redzing
10

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le 29 juil. 2020

Critique lue 55 fois

Redzing

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