Je gardais un souvenir assez particulier de 9, lui qui allait à contre-courant du tout-venant de l’animation hollywoodienne : du postapocalyptique s’assumant dans son atmosphère et sa forme, décorum d’une fable moderne dépourvu de réjouissance et, donc, encline à marquer durablement. Le redécouvrir confirme tout cela, et plus encore : car le court-métrage devenu long de Shane Acker, dont là sont les seuls faits d’arme notables, est un petit bijou de poésie noire méritant davantage de reconnaissance.


Son introduction l’est tout particulièrement, car empreinte de morbide et démontrant d’une volonté de ne rien prémâcher : venu au monde dans un silence omnipotent, faute de musique et l’usage de la parole se faisant désirer, le numéro 9 nous entraîne dans son sillage à la découverte d’un monde dévasté, empêtré qu’il est dans un voile grisâtre démoralisant. Et si la suite ira de son lot de révélations et passages obligés, 9 conservera d’un bout à l’autre son goût pour la retenue utile, tirant le meilleur des archétypes de ses poupées humaines malgré elles.


Dès lors, bien que recyclant le scénario commun de la technologie dépassant l’Homme, le film opère un savant équilibre entre ses prétentions thématiques et formelles : quelques frissons prégnants, de fins dialogues et une parcimonie dans ses instants de bravoure, de surcroît bien exécutés. Mais il s’arroge surtout une mélancolie contagieuse, le spectateur se voyant interrogé sur son « après » : sitôt l’humanité disparue, que restera-t-il ? Quitte à verser dans un dénouement semi heureux, portant à son apogée une magie enfin positive, 9 ponctue son récit de telle manière à libérer ses infortunées poupées… et nous avec.


Un long-métrage assez original donc, livré qu’il est dans un écrin ne payant pas de mine : des ruines et du rafistolage émerge une forme d’harmonie unique en son genre, témoignant là d’une forme d’inventivité remarquable. Une bien « belle » redécouverte en somme, assortie d’une drôle de hasard (promis, juré, craché) : 999ème critique… il ne manquait plus qu’un petit point pour que la coïncidence prenne des allures de manifestation mystique.

NiERONiMO
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le 6 avr. 2024

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