Nuts!
6.8
Nuts!

Documentaire de Penny Lane (2016)

Je pensais que, comme pour The lure ou Tickled, j’avais eu vent de Nuts dans un article de Cracked.com à propos de films insolites à venir. Du coup, je n’ai aucune idée d’où j’ai pu entendre parler de ce truc, je me souviens juste nettement que lire de quoi il y était question a immédiatement piqué ma curiosité : Nuts est un documentaire sur un chirurgien fou qui greffait des couilles de boucs sur des humains.
Je n’ai même pas regardé la bande-annonce, je me suis pas plus renseigné que ça, j’ai juste ajouté à mes envies, et quand j’ai vu que le film était programmé à L’étrange festival, j’ai pris ma place sans réfléchir.
En revanche, la séance devait se tenir en présence de la réalisatrice, et comme pour The lure, la cinéaste n’était pas là, sans qu’on ne nous dise rien à ce propos…


A défaut d’avoir beaucoup d’images d’archives, les évènements ayant eu lieu au début du siècle précédent, Nuts se base sur des photos, des enregistrements audio, quelques interviews récentes, mais surtout des "reconstitutions" en animation (dans des styles différents, et inégaux). Je mets des guillemets à "reconstitution", parce que les scènes présentées sont tellement burlesques parfois que des éléments de comédie ont forcément été ajoutés aux faits.
Tout débute par la représentation de l’origine de cette idée de greffe : le docteur John Romulus Brinkley, installé comme pharmacien dans un patelin paumé du Kansas, reçoit la visite d’un homme qui réclame un remède à son impuissance. Voyant des boucs copuler par la fenêtre, il demande si Brinkley ne pourrait pas simplement lui greffer des couilles de bouc.
Difficile d’y croire, et pourtant dans le fond ça doit être vrai ; le film est après tout basé sur la biographie de J.R. Brinkley.
Concrètement, l’opération est un peu moins farfelue que ce que j’avais pu lire (ou ce que j’ai interprété à partir de ce que j’ai lu ; qui sait) : le docteur implantait seulement des glandes de bouc dans des scrotums humains.


Nuts est la parfaite illustration de l’expression "la réalité dépasse la fiction", enchaînant au fur et à mesure du récit des évènements que, déjà individuellement, on aurait du mal à croire.
On croirait voir un mockumentaire, une histoire extravagante à la Walk hard ou Forgotten silver, où un génie inconnu serait en fait à l’origine de tout un tas de choses, aurait accumulé les records et innovations diverses.
Brinkley a contribué au développement de chaque ville où il s’est installé, aurait été le premier à faire sa promotion avec un véhicule ambulant, aurait créé par deux fois la station de radio la plus puissante au monde, participant au passage à faire exploser la popularité de la musique country, qu’il diffusait…
Ce qui pousse à se demander comment une figure si importante a pu être oubliée ? Parmi ses patients, on cite Rudolph Valentino, preuve de la solide réputation du docteur. Ayant vu tous les courts-métrages de Buster Keaton dernièrement, j’ai aussi halluciné en voyant que l’un d’eux, Cops, fait référence à Brinkley, puisque le héros passe chez un médecin expert en glandes de bouc. J’ai dû oublier ce détail parce que je ne voyais pas à quoi ça se référait, mais ça atteste que la pratique de Brinkley était suffisamment connue à l’époque pour qu’on en fasse un gag, supposément accessible à tous.


Je trouvais au départ que Nuts insistait un peu trop sur la tournure comique donnée aux reconstitutions, mais en même temps cette mise en scène appuyée donne aussi un fort impact aux rebondissements et moments dramatiques de l’histoire, et au final on se rend compte que cette théâtralisation des évènements correspond au personnage de Brinkley.
Le film fait du docteur un personnage "bigger than life", une de ces figures comme on n’en voit que dans des fictions, qui ressort toujours largement vainqueur à chaque adversité rencontrée.
C’est en quelque sorte grisant, Brinkley est ce héros qu’on aime voir gagner, et dont on prend automatiquement le parti, face à ceux qui voudraient sa déroute.
On débute le film en se disant que ce type doit être fou, puis face aux résultats de ses expériences, on se rallie à sa cause, mais à plusieurs reprises on ne sait plus trop où se positionner, qui croire, aussi bien entre Brinkley et ses opposants qu’entre ce que raconte le film et notre propre jugement.
Nuts ne cesse de jouer ainsi avec le spectateur, et ne s’arrête jamais à une seule vision de son sujet, puisque quoi qu’il arrive, on n’oublie pas de rappeler l’humanité du docteur Brinkley.


C’est assez brillant.


http://www.mediumscreen.com/2016/09/critique-nuts-de-penny-lane.html

Fry3000
7
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le 10 sept. 2016

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