Le parcours de la filmographie de Pasolini, une fois passé le cap de "Salò" (que je ne souhaite pas revoir pour diverses raisons : pas envie de détruire un souvenir d'effroi cinéphile et appréhension de revoir à la baisse mon appréciation), ne se fait pas sans difficultés : après être resté frontalement insensible au style de "Théorème" et "Porcherie", cette excursion du côté de la relecture du mythe d'Œdipe par Pasolini aura été moins problématique, mais toujours aussi singulière, entre début du XXe siècle et Grèce antique reconstituée dans un désert marocain. La démarche d'auteur hautement intellectualisée est toujours là, elle doit sans doute être transversale à son œuvre, mais elle s'est exécutée de manière beaucoup plus intelligible ici —les partis pris extrêmement forts n'ont pas constitués un repoussoir éliminatoire.


Plus j'approfondis sa filmographie, et plus je me rends compte que le cinéma de Pasolini demande une suspension d'incrédulité forte. C'est ce qui fait, à mes yeux, que la pénétration dans l'univers de Pasolini est vraiment très difficile dans les premiers moments d'un de ses films : si l'on parvient à franchir ce cap alors on peut accéder au reste, au contenu, et sinon on reste devant une porte close et on se contente de subir la forme, partagée entre grotesque, excès en tous genres et ridicule. Pasolini impose un tel niveau de distanciation, avec tellement d'artifices de mises en scène (volontairement ou non, au moins en partie) visibles, ostensibles même, qu'on se trouve dans une position inconfortable nous rappelant sans cesse à la dimension fictionnelle via des contraintes techniques.


En un sens, on a envie de voir une structure très claire : une partie centrale en prise avec la mythologie grecque (divisée en deux parties), enserrée entre deux segments introductif et conclusif très concrets, applicatifs, à vocation universelle, comme un parallèle établi de manière un peu brouillonne — mais j'ai le sentiment que ce n'est pas en lien avec un défaut de soin, que cela découle plutôt d'un choix. La partie principale est très particulière, avec un oracle, un sphinx bizarre, de grandes épées ridicules... J'ai du mal à appréhender le fatalisme du récit, à apprécier l'universalité du message, à prendre connaissance des tourments des personnages. L'outrance choisie pour raconter une telle histoire m'irrite beaucoup, mais c'est avant tout déroutant, à l'origine d'un matériau éminemment composite. Très difficile de se l'approprier.

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le 4 oct. 2021

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Morrinson

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