Notes de l’auteur: ceci devait à la base constituer mes notes préparatoires à une critique, destinées à être développées.
Mais j’ai estimé que finalement, c’était déjà bien assez long comme ça, et sans doute tout autant compréhensible que si j’utilisais mes salmigondis stylistiques habituels. En pleines vacances en terres Midsommar-ienne, j’avais pas non plus envie d’attendre deux semaines avant de publier. Je teste donc cette mise en ligne brute et presque en vrac.


On vit une époque pleine de polémiques, de mensonges et de tensions: bienvenue en 69.
Si l’époque du film fait écho à la nôtre, normal que les polémiques soient toujours là. Et comme à chaque fois, la valeur d’une polémique est définie par les grilles de lectures du moment (elles ne sont jamais vaines ou ridicules, puisque la plupart des sujets d’indignation ont fait avancer les mentalités, tout au plus peut-on estimer leur mise en avant parfois déplacée ou exagérée)
Aujourd’hui, les pôles antagonistes se situent entre «on ne peut plus rien dire» et les ligues de vertu indignées. Si je penche nettement du côté des seconds, j’en épouse le fond mais plus rarement la forme, alors que je comprends la forme des premiers mais jamais le fond. (Ajoutons à la complexité de la chose que les deux tendances aiment utiliser les armes de leurs adversaires pour brouiller les pistes).


Quentin met parfois les pieds dans le plat (en plus de sur le pare-brise) plongeons avec lui dans la fosse à purin


1) Raciste
Retour sur les faits: Cliff déglingue (?) Bruce Lee en corps-à-corps.
De loin la polémique la plus saillante, redondante et reprise. Deux réflexions: a) en quoi se moquer (à tort ou à raison) d’un individu constitue-t-il une attaque envers un continent entier ? Si je traite un roux de con, ça ne fait pas de moi un rouxophobe. b) extraordinaire premier degré de la polémique: la séquence est un délire de Cliff (insérée entre deux plans sur lui sur le toit de la maison de Rick) et s’inscrit pleinement dans la thématique générale (qui, si on la pousse au bout, montre bien que le cascadeur ne peut pas gagner dans la vraie vie). Et au fond, qui gagne vraiment ? La scène laisse les deux belligérants à un partout.
On peut donc accuser Quentin de roublardise, voire de lâcheté mais toujours pas de racisme (et à titre perso, je ne comprendrais pas la cinéphile asiatique du bonhomme si vraiment il l’était).
Les mexicains: bof. La seule réflexion concerne Rick qui ne veut pas pleurer devant eux. Léger comme attaque.
Les italiens: bof encore. La nouvelle femme est un peu caricaturale mais si montrer un français râleur ou un italien thatcheur est raciste, on force un peu le trait: tout au plus peut-on estimer l’auteur enfermant tel ou tel dans des clichés. C’est pas extraordinaire, mais c’est pas non plus d’une gravité blâmable.
(Et puis Django est aussi un manifeste sur le sujet, à propos duquel James Foxx et Samuel L. Jackson n’ont pas pu être trompés).


2) misogyne
Retour sur les faits: Sharon est lumineuse mais un peu bébête, les enfants de la Mansion family sont faibles et manipulées, Cliff a buté sa meuf et c’est un des deux héros du film.
Once again: le personnage est forcément imaginaire et du coup sans prise sur la réalité. Once more: a-t-il vraiment tué sa femme ? La scène ne le montre pas (la encore lâcheté ou roublardise ?).
Et au fond, quelle sympathie portons-nous réellement au garçon ? N’a-t-on jamais aimé des persos ambivalents et portant leur part de noirceur ? Qui est-il au fond, à part un suiveur sans imagination seulement capable d’aimer son chien et son maître, sans réel boulot, et prêt à en découdre la première occasion ?
Plutôt un anti-héros qu’autre chose.
Brad torse nu qui a fait se pâmer la moitié de la salle. D’habitude on fustige plutôt les metteurs en scène qui exhibent le cul de leur actrice. Les pieds, c’est un moindre mal, du coup, non ? Sharon est la seule part radieuse et innocente du film. Les enfants sont d’abord jeunes et victimes d’un idéal dévoyé, avant d’être des filles.


3) révisionniste (attention: passage divulgacheur !)
Retour sur les faits: en vrai, le vrai cascadeur qui a inspiré le perso de Cliff fut tué par la secte, et bien entendu, Sharon et ses potes y sont passés.
Au delà de l’ode à la fiction, contenue dès le titre, et qu’on peut trouver merveilleux ou dégueulasse (un membre du masque et la plume, plusieurs par ici) selon qu’on a aimé ou non le film, le film touche les nerfs d’une époque désormais hyper-sensible à la post vérité: comme si tous les biopics, ou autres fadaises « inspirées d’une histoire vraie », écrites depuis un peu plus d’un siècle à Hollywood, étaient plus dignes de confiance qu’un récit qui tord outrageusement le pied (encore un !) de la vérité.
Cette torsion contient la beauté du geste d’amour de l’auteur envers son média: c’est pas possible, ça s’est pas passé comme ça, la vraie vie est bien plus grise et dégueulasse, donc la déclaration d’amour de Quentin envers son art est digne de celle d’un Fellini, Kusturica (Underground ?) ou Lynch.
Ça ne m’a pas empêché de raconter les faits réels à mon fils en sortant de la salle, comme je l’aurai fait à l’issue d’une séance supposée respectueuse des faits.


4) Beauf et bas du front
Retour sur les faits: je ne sais pas trop, en fait. Accusation lue ici ou là concernant non seulement le film mais la filmo entière de Tarantino. Au fond, il ne raconte jamais rien de profond, se contente en général de plagier, et sous des tonnes d’esbroufe (du dialogue qui pète « we all love pussy » « we sure do ») on ne trouve que du creux qui tend vers de la baston débile et granguignolesque.
Que j’aimerais que tous les beauf bas du front écrivent comme Quentin…!! Cette accusation n’a-t-elle pas aussi concernée une de ses idoles, accusée d’être un butor réactionnaire ? So Film s’est posé la question en établissant un parallèle avec la carrière de John Ford, et la meilleure critique du film de SC se trouve sans doute la-bas: http://www.sofilm.fr/once-upon-time-hollywood-le-grand-decryptage


Ma conclusion: en mode méta ou non, conscient de son impact (bien entendu) Tarantino est en train d’écrire une bonne partie des grands classiques de ces trente dernières années, ce qui doit être un sacré panard à vivre, convaincu sans aucun doute comme il doit l’être de la futilité des attaques d’aujourd’hui et de leur caractère érosif (combien de chef-d’oeuvres unanimes ont en leur temps croulés sous les attaques aujourd’hui absurdes ?)
Des polémiques qui disparaîtront un peu comme des larmes sous la pluie. Restera juste la classe du métrage.

guyness

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