Super Mario

Opération Peur est l'une des petites pépites méconnus de l'immense et précurseur réalisateur italien Mario Bava. Le film connaitra un tournage difficile puisque le film sera même terminé de manière bénévole par toute l'équipe faute d'un budget suffisamment bien calculé. Ensuite le film qui restera longtemps inédit en France sortira sous de multiples titres pour son exploitation en salles comme Kill Kill Baby, Curse of the Living Dead, Die toten Augen des Dr. Dracula ou Don't Walk in the Park. Tournage chaotique et re-titrage multiple sont souvent les signes d'une grosse série B pas toujours bien fréquentable, mais c'est loin d'être le cas ici puisque une nouvelle fois Mario Bava signe une petite merveille dont les influences continuent de perdurer encore et toujours dans le cinéma de genre contemporain. Grand architecte du giallo, maître du cinéma d'épouvante gothique, précurseur d'Alien avec La Planète des Vampires, fondateur du Slasher avec La Baie Sanglante, esthète de l'image et de la couleur précurseur de nombreux films de Dario Argento, figure titulaire et emblématique pour de nombreux réalisateurs comme Tim Burton, Mario Bava invente ici en grande partie l'image de la petite fille démonique que l'on ne cessera de retrouver dans le cinéma de genre jusque dans le Shining de Stanley Kubrick.

Opération Peur raconte l'histoire d'un médecin qui débarque dans un petit village reclus sur ses superstitions afin de procéder à l'autopsie d'une femme morte mystérieusement. Une fois sur place l'homme se retrouve confronté à une malédiction qui terrorise tous les habitants dans laquelle les apparitions d'une mystérieuse fillette préfigure d'une mort future, certaine et imminente.

Opération Peur est un film d'épouvante gothique dont Mario Bava reprend tous les codes nous plongeant dans ce qui pourrait s'apparenter dans un premier à une énième histoire de vampires . Débarqué d'une calèche par un cocher poltron qui refuse d'aller plus loin le docteur Eswai arrive dans un village dominé par un immense manoir lugubre source de toutes les peurs alors que l'on parle d'une jeune fille vidée de son sang. Mais très vite la film va basculer vers un fantastique plus onirique, surnaturel et inquiétant dans lequel Mario Bava va une nouvelle fois démontrer ses formidables aptitudes à nous livrer des images d'une effrayante beauté. Et des images fortes, puissantes, magnifiques et terrifiantes Opération Peur en compte de multiples comme cette petite fille blonde et son ballon aux allures d'ange (Interprété d'ailleurs par un jeune garçon), ses deux villageois derrière une vitre dont l'encadrement donne l'impression de voir un étrange tableau baroque, cet escalier en colimaçon semblant ne jamais prendre fin, ce cimetière aux statuts d'angelots perdus dans la brume ou ses figures de poupées de porcelaines aux expressions figées dans le temps. Mario Bava nous livre un somptueux livre d'images à la fois gothiques et baroques et de séquences très réussi comme ce lancinant mouvement de balançoire dans le cimetière, ce personnage doublement happé par une toile (à la fois tableau et toile d'araignée) ou cette fuite éperdue durant laquelle le personnage ne cesse de revenir au même endroit finissant par se courser lui même. Le réalisateur parvient à créer une ambiance de cauchemar permanent dans lequel le spectateur ira se perdre comme dans les ruelles aux compositions étranges de ce village figé dans la peur et la nuit. Si les images sont belles et anxiogènes elles s'accompagnent d'un sound design assez diabolique fait de rires d'enfants, de murmures, de bruit de vent et de chuchotements qui accompagne la musique de Carlo Rustichelli à laquelle Mario Bava ajoutera par soucis d'économie des partitions musicales de son premier film et des comptines enfantines.

Si Opération Peur est un petit bijou de mise en scène et d'atmosphère on pourra en revanche regretter que le scénario ne soit pas lui tout à fait à la hauteur. Ce n'est pas que l'histoire ne tienne pas la route ni que le récit ne soit pas prenant mais on aurait aimé que cette enquête soit plus longue, plus approfondi, plus mystérieuse encore et que certains axes narratifs pourtant très puissants soient bien plus développés comme la superstition des habitants les poussant à recourir aux services d'une femme aux allures de sorcière. La plupart des personnages auraient aussi beaucoup gagner à être plus approfondis comme la baronne Graps, Ruth ou Monica pour donner plus de profondeur et de corps à l'intrigue. Des défauts qui objectivement ne viennent pas dénaturer la qualité globale du film mais qui l'empêche d'accéder à un statut bien supérieur encore.

Opération Peur est parfois présenté comme un Mario Bava assez mineur alors que c'est objectivement déjà un grand film. Le réalisateur italien aura considérablement marqué le cinéma de genre d'une trace puissante et indélébile à tel point que même ses petits films sont déjà un peu plus grands que la moyenne.