En une vingtaine de longs métrages l'Oeuvre tortueuse et moralement trouble de Eloy de la Iglesia s'impose comme celle d'un artiste atypique duquel il est parfois bien ardu de définir les influences, mais aussi les émules. Unique en son genre, subversif sans être stupidement provocateur le cinéaste hispanique est surtout connu pour son diptyque El Pico narrant la descente aux enfers de deux jeunes adolescents de bonne famille, drame social allant près de l'os tout en mettant à nu la spirale destructrice de la toxicomanie.


De moindre renommée que le double-programme sus-cité Un autre tour d'écrou est un objet fascinant à bien des égards, certes moins efficace car plus austère qu'une majeure partie des films de la carrière du réalisateur de La Semaine d'un Assassin mais résolument passionnant voire même assez obsédant in fine. Plongée introspective dans la psyché d'un séminariste pour le moins tourmenté, propulsé dès les premières minutes du métrage dans l'intimité d'une famille réduite à l'état de ruines et/ou de fantômes Un autre tour d'écrou adapte la célèbre nouvelle de Henry James près de vingt ans avant le choc de The Others de Amenabar, tout en lui insufflant une humeur tour à tour douceâtre et tendancieuse ; hanté par les obsessions extrêmes de Eloy de la Iglesia ce drame teinté de fantastique et de fulgurances lorgnant vers l'épouvante étrangement archaïque se livre difficilement, exigent jusqu'à sembler parfois plombant et rébarbatif aux yeux de certains spectateurs.


Délibérément cryptique mais fidèle aux thématiques du cinéaste le film convoque tout un imaginaire sexuel ici condamné à ne jamais s'assouvir pour son protagoniste. Si le sens de Un autre tour d'écrou nous échappe à bien des reprises son caractère énigmatique voire opaque en fait également sa qualité première : enfants à l'ascendance morale proprement terrifiante, adultes peu présents et souvent réduits à une impuissance notoire, décors fantasmagoriques aux allures de rêves et/ou de réminiscences troublantes... Le climat incestuel se dessinant entre le jeune prêtre et son élève demeure - en dépit de son aspect régulièrement tacite - particulièrement nébuleux et dérangeant dans le même mouvement d'indicible malaise.


Même si l'ensemble du récit n'échappe pas toujours à l'ennui ni à la lourdeur (le jeu quasiment monolithique des interprètes empêche à maintes reprises l'émotion de s'installer pleinement et efficacement) Un autre tour d'écrou fait néanmoins l'effet d'un objet singulier et diablement ambigu, à réhabiliter d'urgence. Un film étonnant et mémorable.

stebbins
7
Écrit par

Créée

le 27 juil. 2023

Critique lue 17 fois

1 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 17 fois

1

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

28 j'aime

5