Out of the Dark
6.5
Out of the Dark

Film de Jeffrey Lau (1995)

Léon + Ghostbuster + Tex Avery + Hong Kong = Out of the Dark

Out of the Dark est un film fou. Réalisé après la série des Chinese Odissey par le même réalisateur, le film est parmi ce que le génial Stephen Chow a fait de plus extrême. Rarement il n'avait été aussi loin dans l'humour noir et autant flirté avec l'horreur comme il le fait ici. Le public ne suivra d'ailleurs pas en masse la star sur ce terrain, le film faisant 15 millions $ HK de recettes, un des chiffres les plus bas de sa carrière comique. Un tel résultat condamne Out of the Dark à être une tentative isolée mais rend sa vision d'autant plus intéressante !

Un immeuble résidentiel Hong Kongais est l'objet d'étranges manifestations surnaturelles. Intervient Léon,un redoutable chasseur de fantômes (quand il n'est pas à l'asile psychiatrique). Impressionnés par ses incontestables capacités, l'équipe de vigiles de l'immeuble accepte d'apprendre à combattre les manifestations de l'au-delà sous sa tutelle.

L'esprit sombre d'Out of the Dark s'incarne parfaitement dans le personnage que joue la star hong kongaise. D'habitude, Chow interprète des gens simples, un peu gamins. Il lui arrive parfois d'être légèrement antipathique (Hail the Judge ou God of Cookery par exemple) mais, dans le cheminement du film, il évolue vers une personnalité plus vertueuse. Rien de tout ça ici. A la base inspiré de Jean Réno dans le film de Luc Besson, Léon, dont il reprend l'accoutrement et le nom, Chow est un pur taré. Toujours en perpétuelle activité (il parle, il bouge : il ne s'arrête jamais), le comique hong kongais tue les fantômes sans pitié, humilie (volontairement ou non) tous ceux qui l'entourent sans montrer le moindre soupçon de second degré. Chow est réellement dans son personnage et le joue à 100%, n'hésitant pas à le pousser régulièrement dans ses limites les plus désagréables. Pour ceux qui aiment l'humour barré et les délires méchants de Chow, c'est un délice. Mais pour les autres (probablement la majorité), c'est un héros difficile à appréhender et sans aucun doute l'une des raison du relatif échec du film. Un Chow à ne pas mettre sous des yeux trop novices, autrement, c'est l'overdose assurée.

La réalisation de Lau est dans le même esprit, jouant à la fois sur l'humour et l'horreur, les deux ingrédients fortement imbriqués. Une des premières séquences est à ce titre emblématique. Lau prend son temps pour construire une ambiance horrifique solide, crée un climat inquiétant et quand il commence à peine à lancer la machine, intervient un élément comique inattendu (souvent en la personne de Chow). Mais si ce schéma est typique du film il n'est pas une règle impérative. Et il n'est pas rare que Lau aille jusqu'au bout de ce qu'il a construit (tombant même parfois dans le gore) ou au contraire le désamorce très tôt. Le film devient ainsi complètement imprévisible, sollicitant de manière ininterrompu à la fois nos zygomatiques et nos cris d'effroi. Une combinaison extrêmement casse-gueule mais jouissive quand elle est bien maîtrisée comme ici.

On l'a déjà dit, le coté profondément méchant du film est probablement une des raisons qui explique l'accueil assez mitigé que reçut le film. Mais une autre raison, plus insidieuse, tient à son aspect social camouflé. Le lieu principal de l'action est un HLM tout ce qu'il y a de plus classique à HK. Mais la description qui nous en est donné n'a rien de réjouissante. Absence de communication entre les générations, problèmes d'immigration, de drogues, recherche constante du profit... Une certaine vision de la société hong kongaise actuelle. Certes les films de Chow contemporains se sont toujours inscrits dans le quotidien et la culture de HK mais ici cet aspect est à l'image du film : sombre. L'approche de la rétrocession a peut être quelque chose a voir avec cette orientation. Logique que le public n'ait pas voulu suivre sa star comique sur ce terrain déprimant.

Mais au-delà de cet aspect méchant et horrifique, au delà de sa critique sociale sous jacente, Out of the Dark est avant tout un film drôle, foncièrement jouissif. Chow y pousse sa filiation avec l'esprit manga et Tex Averyesque (une séquence à base de dynamite ne peut qu'y faire penser), livrant de grands moments de non sens, libéré de toute contraintes par le biais du fantastique. La course poursuite avec la grand mère sans tête ( !? ) ou la séquence de la "boum" sous influence démoniaque ne sont que deux moments forts parmi bien d'autres. Les amateurs d'humour noir et d'absurde seront aux anges.
C'est aussi avec Out of the Dark que Chow va mettre en place ce qui deviendra une constante de ses films suivants : la constitution d'une troupe comique. Jusqu'alors, Chow travaillait principalement en duo (souvent avec Ng Man Tat) mais ayant utilisé cette formule jusqu'à la corde, il cherche ainsi à diversifier les sources du rire et créer une dynamique de groupe. Dynamique dont il est bien évidemment le chef d'orchestre et dont il définit les orientations. On trouve ici certains membres réguliers tel l'étonnante Karen Mok jouant une version sous acide de la Mathilda de Léon ou le mémorable Wong Yat Fei dont le seul visage suffit à déclencher l'hilarité.
Palplathune
7
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le 16 févr. 2011

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