C'était le passage obligé pour le Kitano sexagénaire. En tant que grand artisan d'une certaine forme de polar des années 90, les vieux yakuza ont dorénavant laissé la place à du sang neuf arrogant ou à des petites gouapes inutiles et lâches. Comme si Otomo, le personnage qu'incarne Kitano, regardait dans le rétroviseur et, baigné entre nostalgie et regrets, se devait de revenir un peu par défaut, vers le business du crime.

Outrage Beyond, intéressant mais inégal, hésite trop souvent entre 1er degré à la limite de la complaisance et fulgurances humoristiques : la brutalité et l'efficacité des mises à mort, les moqueries autour de la soumission des pions sur l'échiquier yakuza, moqueries des jeunes lascars, ces éléments participent à donner un côté particulièrement ludique et informatif sur le milieu des gangsters nippons et leur formidable faculté à retourner leurs vestes pour gagner des échelons. Kitano n'est pas Wakamatsu, mais on veut bien le croire volontiers. Mais curieusement la sauce ne prend pas toujours et les débats n'intéressent pas tant que cela. On aurait été curieux de savoir ce qu'aurait fait d'un scénario pareil, Itami Juzo.

Là où les meilleurs polars de Kitano fonctionnaient, c'était parce qu'ils savaient mêler les genres et transporter le spectateur dans un univers propre au cinéaste (on ne le redira jamais assez, mais Hana-Bi est la somme de tout l'univers artistique du Beat/TakeshiKitano), qu'importe la profondeur de l'intrigue. La profondeur ne résidait pas dans l'écriture à proprement parlé, mais bien dans le regard du cinéaste auteur, clown triste à ses heures perdues.

Donc oui, la réalisation est dans le style de tout bon film hollywoodien d'ampleur classique (scope, plans larges, mouvements de grue, montage serré pour souligner la tension), mais l'âme du cinéaste n'est quasiment jamais décelable à l'écran. On le savait déjà depuis Takeshi's ou Kantoku Banzai, mais même Aniki transposé aux USA révélait un tempérament de cinéaste s'adaptant à tout.

Maintenant que Kitano a redonné du pain aux pigeons avec deux films de yakuzas, on espère de ce grand maître du cinéma nippon période pré et post crise économique un retour aussi ambitieux mais avec plus de magie et, pourquoi pas, de poésie.
XavierChan
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le 10 août 2013

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