Sans Famille Fixe
Avec Outrage Beyond, Kitano livre un Yakuza Eiga classique mais teinté de cette violence sèche qui lui est si caractéristique. Il n'est nul question pour lui de livrer un film spectaculaire, au...
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le 24 mai 2014
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Après Outrage premier du nom, Takeshi Kitano confirme en digne successeur des yakuza eiga de Kenji Fukasaku. Et même plus, il élimine presque tous les principaux défauts de son précédent essai en livrant un casting désormais sans faille de gueules burinées sans pitié, et une mise en scène aussi sèche et épurée, mais bien plus inspirée - ça ressemble à du Johnnie To dans sa façon d'occuper l'espace -, avec un excellent sens du cadrage et une caméra qui évite gracieusement le fainéant champ/contre champ en la rendant constamment mobile et tournante, comme pour figurer les pions qui se déplacent lentement sur l'échiquier des petites luttes de pouvoir de ces gangsters aux motifs bien cachés derrière leurs costumes-cravate, leurs affaires en apparence honorables, et leur langue de bois. Flics et yakuza sont d'ailleurs à la même enseigne, tous des potentiels pourris. Ce qui change aussi, c'est la manière dont sont filmés les conflits. Bien déçus seront ce qui s'attendent à des séquences de tortures assez marrantes bien que cruelles. Ici on fait dans le frontal et l'expéditif avec une bonne maîtrise du hors-champ, comme des serpents qui attaqueraient sèchement leurs proies sans défense.
Outrage Beyond est un film long à prendre, fourmillant de noms et doté d'une bonne heure de mise en place avant d'envoyer la sauce, méticuleux dans sa description des tractations entre familles yakuza. Aucune psychologie, rien que des rapports de force, dont se dégagent clairement deux alliés qui semblent marcher main dans la main, mais jouent en vérité à un jeu bien plus sournois, avec d'un côté la nouvelle garde qui a pris le pouvoir en mettant l'argent et les moyens pour l'obtenir au-dessus des anciens codes d'honneur, et de l'autre les anciens qui respectent ces derniers, attendant simplement d'utiliser celui qui décapitera la tête de leur ennemi officieux. Cette personne, ce sera Otomo - incarné par Kitano -, incontrôlable outsider de l'ancienne garde, à la fois craint et respecté par ses pairs car dernier véritable yakuza, burné et toujours prêt, qui aidera son ancien ami et collègue pour des raisons plus sincères qu'on ne le croit. Mais ce qui constitue le sel de ce second film, c'est la place que prend un policier aux motivations inconnues, lançant les uns contre les autres tout en se rendant indispensable, du moins selon la logique des intérêts réciproques, ce qui a une certaine limite qui va lui exploser au visage.
Comme son nom l'indique, Outrage Beyond désigne le retour de bâton qui prend ici un chemin sinueux avant d'atteindre sa cible, celle par quoi tout a commencé. A défaut d'inventer, et d'une intrigue légèrement limitée si on prête trop attention au fond - il manque par exemple une scène qui justifie l'attachement d'Otamo aux jeunes recrues de son ami, au-delà de leur respect immodéré et commun aux anciens codes d'honneur -, ce film est peut-être ce qui se fait de mieux dans le genre depuis cette dernière décennie. Celui qui cherche un yakuza eiga crépusculaire qui fait un bon retour aux sources, à la fois sec et ultra-efficace, tout en déroulant une certaine (nouvelle) identité propre à Kitano, sera servi.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Le cinéma japonais n'est pas mort ! (2000 à nos jours) et Mon Top Takeshi Kitano (réalisateur)
Créée
le 19 avr. 2017
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