Fallait-il réellement ressortir du formol les plus mauvais gags du burlesque et les mélanger avec les blagues les plus vaseuses pour permettre à W.C. Fields de commettre en 1941 un dernier tour de piste ? Personnellement, j'ai comme un léger doute...

Comme tout le monde, j'ai été piégé par la jaquette du DVD qui fait la part belle à Franklin Pangborn, et chacun sait jusqu'où je suis prêt à aller pour voir un Franklin Pangborn... Hélas, rien ne pouvait laisser prévoir un pareil désastre...

D'abord, il y a le film dans le film, W.C. joue son propre rôle d'acteur loser qui essaie de vendre un dernier scénario mais semble surtout toléré par son producteur (Franklin Pangborn, donc...) pour faire plaisir à sa nièce, Gloria Jean, jouant aussi sous le même nom qui est une sorte de sous Shirley Temple ado qui pousserait la chansonnette...

Ca commence par quelques mauvais gags interdits par la convention de Genève depuis 1922 et une série de petits sketchs idiots sans queue ni tête... Gloria Jean trouve un fer à cheval et l'envoie derrière son épaule sans regarder, Fields essaie de manger dans un drugstore, sa nièce chante sur un tournage, la serveuse dit à Fields qu'il a quand même quelque chose de grand en lui, il demande quoi, elle rétorque : « your nose » et je crois que Fields essaie de changer son chapeau troué contre un autre plus neuf sur le porte-manteau, mais c'était peut-être avant, et puis il fait des blagues incompréhensibles sur les cigares et en allume un en oubliant d'ôter le plastique, mais je crois que ça se termine bien pour le chapeau, enfin, rien de moralement répréhensible je veux dire, et puis la nièce chante toujours ce qui fait un peu chaotique c'est que des ouvriers essaient en même temps de monter les décors, et des marmots crachent des noyaux d'olive sur Franklin Pangborn pendant que les partitions se déroulent beaucoup trop vite.

A un moment, Fields vient présenter son dernier scénario au producteur (là où ça devient vraiment palpitant, c'est quand on sait que W.C. est lui-même auteur sous un pseudo de l'histoire du film, à ce niveau d'imbrication pataphysicienne, l'imagination s'égare...). Ca donne mon seul sourire du film avec la femme de ménage, mais je n'en dis pas plus, j'en connais qui ont envie de voir le film avec un œil pur. Alors là, on change de registre et on nous montre le film tel qu'il serait joué si Franklin Pangborn était assez bête pour accepter de le produire, mais bon, il n'a pas l'air enthousiaste et, comme nous, semble avoir beaucoup à redire sur la logique du synopsis.

Ca commence dans un avion, Fields et sa nièce ont des couchettes comme dans les trains, c'est plus sympa, un type passe et se rend compte qu'il ne sait pas trop où il doit dormir, Fields répond finement que s'il cherche un hôtel ça va être tout de suite un peu plus compliqué, ou quelque chose comme ça, et puis il se rase avec un autre type, un gros, à un moment l'avion passe dans les nuages et il fait tout noir, donc on les retrouve se rasant l'un l'autre par inadvertance, ce qui n'est pas très bon, mais ce n'est rien à côté du fait que Fields se sente obligé de nous préciser combien cela frise le cocasse. Du coup, comme le spectateur, Fields a besoin d'un verre, il fait tomber la bouteille par la fenêtre et se précipite pour la récupérer, d'où une chute de quelques kilomètres pour arriver sur un nid d'aigle où Margaret Dumond vit recluse avec sa fille qui n'a encore jamais vu un homme de sa vie...
Il y a une espèce de chouette monte-charge qui descend sur six cent mètres avec brutalité, mais on n'est plus à ça près, je crois que la fille vient d'atterrir, elle arrive en chantant vers le village russe où s'est réfugié son cher oncle Bill, et tant pis s'ils sont tous habillés en tyroliens et que l'endroit est peuplé de singes de tailles diverses.. Ce qui est bien, c'est que Franklin Pangborn relève toutes ces bêtises au fur et à mesure, puis il y a la course poursuite, dans la vraie vie cette fois, parce que Fields croit qu'une dame va accoucher et veut l'emmener à la maternité.

Ah j'oubliais, à un moment un type dit qu'il est insomniaque, Fields lui explique que son médecin connaît un remède infaillible, lorsque l'autre, intéressé, demande des précisions supplémentaires il explique qu'il s'agit d'une cure de sommeil.

En fait, super bourré avec des potes, ça vaudrait beaucoup plus.
Torpenn
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le 20 mai 2012

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Torpenn

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Passez Muscade
estonius
10

Complètement foutraque, souvent drôle, ce film est un bijou

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