"no bastard ever won a war by dying for his country"

George C. Scott.
Rarement l'image d'un acteur restera aussi attachée à un rôle.
George C. Scott est Patton, et c'est l'attrait principal de ce film.
Alors, bien sûr, la réalisation est solidement menée, le scénario (co-écrit par Francis Ford Coppola) est subtil et intelligent, les autres interprètes tiennent bien leurs rôles (à commencer par Karl Malden, que je retrouve toujours avec plaisir). Jusqu'à la musique de Jerry Goldsmith, qui est excellente (et m'a un peu rappelé la partition composée par Elmer Bernstein pour La Grande Évasion, de Sturges). Le film multiplie les points forts. Mais le sommet reste George C. Scott.

Le film nous présente donc les faits et gestes du général Patton pendant la Seconde Guerre Mondiale, du Maroc aux Ardennes en passant par la Sicile. Et ce personnage capte tous les regards. Excentrique, parfois extrémiste, cultivé, imbu de sa personne, doté d'un égo surdimensionné, passionné par l'histoire au point de s'inspirer des guerres romaines pour sa stratégie, Patton apparaît vite comme un ennemi redoutable pour les Nazis. Et un allié tout aussi redoutable pour son propre camp.
Car le personnage est peu diplomate. Du coup, il froisse les Russes, agace Montgomery et parvient même à mettre en colère le chef suprême, Eisenhower.
L'invasion de la Sicile en est un grand exemple, ainsi qu'une des meilleures séquences du film. Son plan ayant été refusé par Eisenhower au profit de la stratégie de Montgomery, Patton va quand même faire ce qu'il veut, désobéir aux ordres (faisant semblant de ne pas les avoir reçus) qui lui intimaient de soutenir le général anglais et délivre Palerme seul. Et quand on lui ordonne de ne pas prendre Palerme, il répond : "Dois-je la rendre aux Nazis ?"

Constamment, cette personnalité est montrée comme un anachronisme, donc une énigme aux yeux des Nazis. De nombreuses scènes nous montrent le QG de Jodl (chef d'état major de l'armée allemande), où les officiers du renseignement essaient de décortiquer la psychologie du général américain pour prévoir ses coups. Mais rien n'y fait. "Patton est un romantique des temps modernes. Son secret, c'est le passé."
Le problème, c'est qu'il est presque aussi dangereux pour les siens. Une scène nous le montre visitant un hôpital de campagne. Il est affable, agréable, encourageant, aimant avec les soldats blessés au front. Mais dès qu'il rencontre un dépressif, un jeune homme dont les nerfs ont lâché suite aux énormes risques encourus, Patton voit rouge, tabasse le soldat et interdit strictement qu'il soit hospitalisé.
L'un des grands avantages du film est d'éviter l'hagiographie. Patton n'est pas un saint. Grand stratège, génie militaire, il est également brutal, injustement violent (il fait abattre les deux mules d'un pauvre paysan parce qu'elles bloquaient la route) et aveuglé par son ambition. Lancé dans une querelle d'égos avec Montgomery, Patton va faire une véritable course à travers la Sicile pour délivrer Messine, sans tenir compte un seul instant de la faiblesse de ses troupes.
Et puis surtout, Patton aime la guerre. C'est le reproche principal que lui fait Bradley (Karl Malden) : pour lui, la guerre est une passion. Un des officiers nazis affirme que si la guerre s'achève, cela tuera inévitablement le général (ce qui est vraiment le cas : il mourra en décembre 1945, mais le film ne le montre pas).
Mais avec lui s'achève une certaine conception de la guerre. Patton est le dernier de sa catégorie. Un général exigent, fier, difficile, mais qui a redressé le moral de ses troupes et les a rendues fières de combattre.

Le film est divisé en trois parties : d'abord les conflits en Afrique du Nord et en Sicile, puis une période où le général sera mis sur la touche à cause de ses excentricités trop peu politiquement correctes, et enfin la bataille des Ardennes. La seconde partie est forcément plus lente, plus calme, mais permet d'approfondir encore le personnage. Un personnage à la Alexandre Dumas, querelleur, parfois outrancier, mais aussi un cador dans son domaine. Bien souvent, à travers sa sévérité, voire même son intransigeance, on devine son amour pour ses hommes.
Pas de problèmes de rythme, une mise en scène solide (Schaffner, le réalisateur de La Planète des singes, connait très bien son métier).
Un très bon film, à mi-chemin entre le biopic et le film de guerre (les deux genres que j'aime le moins), sans vraiment faire partie d'aucun genre en particulier. Et des oscars parfaitement mérités, entre autres pour George C. Scott, qui tient là le rôle de sa vie.
SanFelice
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le 22 nov. 2012

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SanFelice

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