En 1983, nous fûmes nombreux à considérer qu'avec ce solaire "Pauline à la Plage", Eric Rohmer avait atteint une sorte de sommet formel et thématique de son œuvre. Séduits par les formes d'Arielle Dombasle, ici dans son meilleur rôle, surpris par la franche sensualité de nombreuses scènes (pas vraiment le style habituel de Rohmer !), impressionnés par la présence de Féodor Atkine, mais surtout troublés par le plaisir coupable que nous avions pris devant ces marivaudages dignes d'un roman-photo (comme on disait à l'époque, aujourd'hui on parlerait plutôt de "AB Productions", je crois...), nous défendions notre voyeurisme le plus élémentaire en appelant à la rescousse nos habituels arguments philosophiques...

Certains dialogues n'étaient-ils pas ici "franchement platoniciens, période socratique" (sic) ? Ne s'agissait-il pas ici d'interroger le lien inextricable entre réflexion et action ? Entre les femmes qui parlent trop et pensent trop, et qui sont forcément déçues et trompées, et les hommes qui suivent leur impulsion première et courent ainsi au désastre, qui sauver ? Bref, nous nous gargarisions de mots, nous aussi, pour expliquer notre fascination pour ce qui n'était finalement qu'une exploration franche - et donc cruelle - des mœurs amoureux et sexuels des adolescents et des adultes de l'époque.

Mieux vaut aujourd'hui admettre que "Pauline à la Plage" n'est pas tout-à-fait le chef d’œuvre que nous avions vu, qu'il est avant tout un film incroyablement plaisant, entre beauté des acteurs, corps dénudés et quiproquos à la bonne franquette.

[Critique écrite en 1983, remise en perspective en 2017]

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le 7 sept. 2022

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Eric BBYoda

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