Tiré du livre de Ben Amos Williams, le film livre une fascinante oscillation entre film d'amour et dérive dramatique vers la folie.
Richard, écrivain à succès, rencontre Ellen dans un train en direction d'une petite ville du Texas, ils sympathisent et découvrent qu'il vont séjourner au même endroit pour leurs vacances. Richard tombe très vite sous le charme froid et assuré d'Ellen, qui, alors fiancée à un procureur décide le quitter pour épouser Richard.
Jusque là tout va bien.
Sauf qu'après ce mariage, Ellen commence à perdre pied, son obsession à demeurer la parfaite femme au foyer lui rend en horreur toutes les visites de leurs familles respectives, le petit frère handicapé particulièrement commence à devenir un obstacle encombrant, puis, enceinte l'enfant lui-même pourrait être plus aimé qu'elle, et enfin sa soeur commence à faire les yeux doux à son mari. Ellen compte bien éloigner tous ces gêneurs.
Jamais le technicolor n'aura rendu toute la noirceur d'un personnage aussi contradictoire que celui d'Ellen. Gene Tierney au sommet de sa beauté et de son talent, parvient à lui insuffler à la fois sa grâce et son charme naturel, mais surtout un amour et une détermination glaciale jusque dans la folie. Elle arrive également de manière assez subtile par des changements de ton et de posture à caractériser la personnalité dominante du personnage.
Peut-être un peu au grand daim de l'acteur Cornel Wilde qui parvient difficilement à lui tenir tête. Vincent Price parfait dans l'amoureux évincé, cabotine à merveille.
Les dialogues eux aussi, font mouche, les répliques acérées d'Ellen en particulier, lorsqu'elle annonce par exemple à son ancien fiancé qu'elle le quitte mais "qu'elle pourra quand même voter pour lui" ou lorsque se regardant enceinte dans la glace elle déclare tout haut qu'elle voudrait que "le monstre meurt".
La lente progression de l'histoire d'amour, presque subie par le personnage masculin, au thriller, de par la mort du petit frère devant une Gene Tierney calme et impassible, évolue en "court drama" lors de la confrontation finale, avec une mise en scène privilégiant plus l'aspect théâtral de l'histoire.
Le film valut avec raison une nomination à l'oscar pour Gene Tierney et un prix pour la photographie.
Bref le film parvient à créer un personnage parfait de "femme fatale" sans tomber dans des écueils faciles