Le sujet Pétain ne pouvait qu'être explosif. N'oublions pas qu'en 1993, le président de la République était François Miterrand, et qu'il n'a jamais voulu reconnaitre la participation de l’État français durant l'Occupation, notamment pour tout ce qui concernait les juifs et les rafles.


De manière courageuse, un producteur s'est attaqué au projet, avec la plus grande des difficultés pour le financer, et avec un réalisateur qui était plutôt spécialiste de films comiques, qui va se mettre au service d'une histoire extrêmement grave et ayant déchiré la France durant ces années si sombres.
Le film revient sur la vie de Pétain de 1940, et son arrivée au Gouvemement, jusqu'en 1944, et le dernier entretient qu'il eut avec Pierre Laval à Sigmaringen, alors tous les deux en exil après l'arrivée des Américains. Mais, et c'est là l'erreur du film, on a droit à des histoires secondaires, où un trio (dont un jeune Clovis Cornillac) séjournant dans le même hôtel que Pétain se déchire sur leur appartenance, entre gaullisme, communisme ou suivre le Maréchal, et une autre partie, plus courte, avec un chanteur qu'incarne Jean-Pierre Cassel.


Pour tout dire, je m'attendais à un film qui serait un face-à-face entre Pétain et Laval car on sait que leur relation ne fut pas un long fleuve tranquille, pas à une multitude de petites histoires sur la vie d'occupés. C'est ce qui a fait redescendre mon enthousiasme sur le film, dont le sujet m'intéresse tout particulièrement, car il a conduit aux pires heures de notre histoire récente.
Les deux acteurs principaux, Jacques Dufilho et Jean Yanne, incarnant respectivement Pétain et Laval sont excellents, le premier arrivant même à restituer la voix chevrotante qu'avait le vieux Maréchal, et le charisme qu'il imposait malgré ses près de 90 ans. Quant à Yanne, il est plus proche d'une composition, étant un peu trop gros et bronzé pour ressembler à Pierre Laval, mais il fait très bien passer le côté perfide du personnage, à faire des coups bas, et qui, au fond, était celui qui tirait les ficelles de l'horreur.
Car on voit bien comment ont été créées les étoiles jaunes pour les juifs, comment a été décidé les rafles, et la création de la Milice lors de la fin de l'occupation. Le film part d'une excellente documentation, donc la grosse majorité des faits y est, y compris la fameuse phrase de Laval, prononcé avec l'assentiment de Pétain, qui souhaitait la victoire des Allemands pour éviter le Bolchevisme. Tout le travail de reconstitution y est.


Sauf que c'est illustré de manière terriblement plate, avec 0 idées de mise en scène, où l'histoire nous est narrée de manière chronologique, point barre. De plus, quelle idée de parler de ces histoires d'occupés ; je ne mésestime pas leur présence, sauf que le film s'appelle Pétain, et non pas Vichy. A travers ces scènes, on a sans doute voulu apporter de jeunes acteurs, un peu de distraction, voire les dissensions qui pouvaient se créer avec cette naissance de l'Etat français. Mais non, ça ne marche pas, d'où l'enthousiasme modéré que j'ai à propos de ce film, qui m'a captivé quand apparait le Maréchal, car je voyais l'Histoire se créer. Concrètement, je passais du chaud au très froid.


Il aura fallu attendre deux ans après la sortie du film, et l'intervention du nouveau président Jacques Chirac, pour que celui-ci reconnaisse l'implication du gouvernement français d'alors dans ces actes horribles. En l'état, et malgré mes griefs, le film reste précieux, car rares sont les fictions parlant de Pétain, comme si le sujet restait encore très sensible, même aujourd'hui.

Boubakar
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le 15 févr. 2017

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