Disons le tout net, je n'étais pas chaud pour voir ce film - échaudé que j'avais été il y a environ un an par les moutons islandais - et j'ai été plutôt suiveur en l'espèce. Je n'aime pas le pathos animalier, simple question de goût. Du coup, comme à chaque fois que l'on va voir un film à reculons, j'ai plutôt été agréablement surpris et je n'ai pas regretté d'avoir bravé les éléments pour rejoindre un des mes cinémas favoris. Car de pathos animalier, il n'en est pas (trop) question.
Commençons néanmoins par ce qui est le principal défaut du film, à mes yeux, à savoir le jeu des acteurs. Difficile de demander à des acteurs professionnels, qui ont sans doute étés formés dans un quelconque conservatoire, de jouer des rôles de ruraux, d'agriculteurs que - dans la vie réelle - ils considéreraient sans doute comme des ... paysans. Et en conséquence, la plupart d'entre eux ne sont jamais totalement convaincants, tantôt sur jouant leurs rôles (India Hair), tantôt se contentant de figurer des abrutis complets (les potes de Pierre). Ceux qui s'en tirent le mieux sont en définitive les non professionnels, à savoir par exemple les parents du réalisateur, son père dans le rôle du père de Pierre et sa mère dans un autre rôle. Beaucoup plus naturels à vrai dire ! Sans oublier Bouli Lammers, même si ce dernier n'est pas mis en scène dans un quotidien d'agriculteur.
Cela dit, le film reste intéressant dans le sens où il nous montre un type, qui s'obstine à élever ses vaches à l'ancienne, complément dépassé et désarmé face un environnement qu'il s'efforce de maitriser, sans plus y parvenir. Chronique désabusée de l'extinction prochaine d'un mode de vie pourtant plus que millénaire, il est difficile d'imaginer que "Petit paysan" puisse susciter des vocations. Et pourtant, Pierre, face au fléau qui frappe son troupeau, essaie de lutter. Mais c'est juste qu'il fait face à un système implacable, qu'il n'a certes pas choisi, mais qui possède sa propre rationalité, qu'il ne peut même pas percevoir comme étant malveillante à son égard. Ben ouais, quand une vache est malade, il faut mieux abattre la totalité du troupeau pour éviter la contagion. Et qu'importe que toutes ces épizooties proviennent de l'industrialisation de l'agriculture et de la mondialisation des échanges marchands, Pierre n'en a sans doute même pas conscience. Alors, il combat avec ses moyens, va chercher de l'info sur internet, mais n'y rencontrera en définitive qu'un compagnon de misère belge aussi désemparé que lui.
Voilà, c'est un film qui nous parle d'une catégorie sociale dévastée, mais finalement peu visible au point que des acteurs ne savent même plus incarner ses personnages. Et qui nous parle aussi d'une certaine manière de l'explosion du taux de suicides chez les agriculteurs ou de celle du vote FN dans la France rurale. A quand un Ruffin campagnard ?