Conçu comme un potentiel pilote de série horrifique sur le modèle des Contes de la crypte, ce film à sketchs un rien inégal, vaut toutefois le coup d'oeil pour ses deux premières histoires réalisées par John Carpenter himself, lequel se réserve d'ailleurs le rôle du maître de cérémonie. Méconnaissable en médecin légiste défraîchi au sens de l'humour macabre évoquant le meilleur du Crypt Keeper, le réalisateur s'entoure pour l'occasion de nombreux confrères spécialisés dans le genre (Tobe Hooper, Wes Craven, Sam Raimi, Roger Corman) et d'une distribution de qualité (Stacy Keach, Deborah Harry, Tom Arnold, David Naughton, Mark Hamill).


Dans le premier segment intitulé Gas Station ("Station Service" en VF), Carpenter livre un intriguant mini-slasher tournant autour de l'angoisse d'une jeune employée de station service, qui venant de prendre son service la nuit venue et se retrouvant totalement isolée sur son lieu de travail, en vient très vite à soupçonner chacun de ses rares clients d'être le tueur en série qui sévit dans les environs. D'un point de vue strictement narratif, Carpenter n'innove en rien certes dans ce whodunit nocturne mais il y recycle efficacement ses techniques de mises en scène (le climax reproduit quasiment à l'identique le face-à-face final de Halloween) tout en instillant une ambiance des plus angoissantes. Ainsi, les ténèbres isolent totalement la station, seule et unique unité de lieu de l'intrigue, comme une zone en dehors du temps et de l'espace. Y surgissent parfois quelques clients plus ou moins patibulaires, comme ce vagabond éméché, surgissant au milieu de la nuit pour demander un service à la jeune femme cloîtrée dans sa cabine. Un personnage inquiétant (et un sympathique caméo de Wes Craven) qui aura tôt fait de disparaître au milieu des ombres comme il est venu. Carpenter resserre progressivement le cadre sur sa protagoniste, transformant sa méfiance et son inquiétude en véritable paranoïa. Véritable exercice de style, Gas Station demeure une formidable démonstration du savoir-faire du réalisateur de The Thing et Assaut, qui excelle donc aussi dans le format court.


Moins abouti d'un point de vue formel mais pas moins jubilatoire, le second sketch Hair (ou "Le remède du Dr Miracle" en VF) est plus orienté vers la comédie satirique et voit un brave type n'assumant pas son début de calvitie utiliser un remède-miracle dont les effets iront au-delà de ce qu'il espérait. Loin de l'ambiance oppressante du premier segment, l'intrigue se focalise sur les tourments de son protagoniste, complètement paniqué à l'idée de perdre ses cheveux. Stacy Keach (que Carpenter ré-emploiera dans Los Angeles 2013) s'y amuse visiblement à éborgner son image en interprétant ce quinqua qui n'assume pas son âge. Déprimé au point d'envier la majestueuse fourrure d'un lévrier afghan, son personnage à moitié chauve se retrouve bientôt affublé d'une abondante chevelure dont la pousse semble n'avoir aucune limite. Pire encore, il semblerait que ses nouveaux cheveux soit dotés d'une vie propre à la façon qu'ils ont de mordre lorsqu'on les coupe puis de s'enfuir en couinant sur le plancher. Un bon gros délire donc, grotesque et horriblement drôle, propre à décrocher quelques bons fous rires et dont l'issue renvoie quelque peu au déterminisme des récits de Rod Serling.


Quant au troisième sketch, réalisé celui-ci par Tobe Hooper, il met en scène un homme qui à la suite de la greffe d'un oeil, commence à avoir des visions morbides. S'il bénéficie de l'interprétation de Mark Hamill (alors très rare sur les écrans), ce segment ne réussit pas toujours à convaincre, la faute à un scénario convenu et une réalisation impersonnelle.


Malgré l'honnête facture de ce pilote, le show envisagé au départ par la chaîne câblée Showtime fut finalement annulé. Il n'en reste pas moins qu'en l'état, Body Bags constitue un sympathique divertissement qui, bien qu'ayant pris un petit coup de vieux, se regarde toujours aujourd'hui avec un certain plaisir... cruel.

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le 18 janv. 2016

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Buddy_Noone

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