Un film dépassé par son ambition

J'attendais ce film de pieds fermes. Peut-être trop. Je suis fasciné par les projets forts en émotion et PIECES OF À WOMAN me semblait être de cette trempe.

Sur le thème du deuil prérinatal, sujet délicat s'il en est, Kornel Mundruczo propose dès ses premières images un traitement réaliste, épuré, ancré dans le quotidien de Sean et Martha, couple qui attend son premier enfant. La première demi-heure du film est pour moi d'une maîtrise et d'une authenticité rarement atteintes. De mémoire, jamais je n'ai regardé pareille façon de mettre en scène un accouchement, dans tout ce qu'il a de beau mais aussi de cru et difficile, car l'une des immenses qualités de la direction artistique c'est son refus du "glamour" au profit du réel. Avoir fait usage d'un plan séquence en renforce la pertinence, la puissance et le sentiment de suspension dans le temps vécu par le couple. Couple que la caméra ne cesse de resserrer dans le cadre. Le choix de l'absence quasi totale de musique, sauf en des moments stratégiques, participe de cette totale réussite.

Et puis, tout bascule, en même temps que se rompt brutalement le plan séquence. Un basculement filmé de façon subtile et pudique car le réalisateur a le bon goût de ne jamais céder au voyeurisme choc, laissant au spectateur la douloureuse tâche de se faire ses propres images dans sa tête.

L'ennui, pour moi, c'est que c'est aussi à ce moment là que le film m'a fait basculé, moi. Comme si, passée cette intense scène d'intro, le cinéaste se laissait dépasser par son projet, dont il n'aurait pas mesuré l'ambition. Si les comédiens sont impeccables, à l'image d'une Vanessa Kirby que j'ai ici découvert et qui m'a touché, ainsi que d'un Shia LaBeouf qui n'a plus rien à prouver, le récit semble errer et ne plus savoir comment raconter le deuil de ses personnages. Ce n'est d'après moi pas tant un souci de forme, mais de fond.

Martha, la mère endeuillée, est montrée comme bloquée, incapable d'avancer et de faire son devoir de mémoire,tandis que son mari lâche complètement les vannes, laisse s'exprimer la douleur de sa perte, ce qui créé deux regards différents sur le deuil vécu et s'en trouve donc intéressant, et déchirant. Deuil qui devient le point de départ d'une explosion des non dits familiaux, notamment au travers du portrait d'une mère (maladroitement?) écrasante avec sa fille. Tous, excepté Martha, sont à la recherche de réponses, d'explications, de coupable.

Autant d'axes narratifs développés qui auraient pu renforcé le sujet mais qui m'ont donné l'impression de l'affaiblir, alors que la mise en scène demeure quant à elle selon moi pertinente et bien sentie: la séparation quasi permanente de Martha et Sean dans le cadre comme témoin de leur séparation concrète, le pont en construction ou la scène des pommes aussi, sur un plan plus métaphorique (selon ma vision des choses).

Non, PIECES OF À WOMAN n'est pas un mauvais film. Il est simplement l'ombre timide et frustrante du projet puissant et sidérant qu'il aurait pu être. Un récit qui, malgré ses évidentes bonnes intentions, n'est jamais à la hauteur de son introduction.