Mais qu'est-ce que ce film est bon ! Non, sincèrement. Le programme télévisuel hier soir était tellement extraordinaire que j'ai été piocher dans ma DVDthèque ce bon vieux Piège de cristal. Eh bien, il n'y a pas photo. Il botte le train des quatrième et cinquième opus les doigts dans le nez, une main attachée dans le dos et les yeux bandés.
C'est déjà incroyable de remarquer que l'image n'a pas trop souffert du passage des années. Le film date tout de même de 88 mais, à part quelques particularités capillaires et vestimentaires, le grain n'a pas trop attaqué la pellicule (contrairement à Mon voisin le tueur, revu récemment également, qui, bien que plus récent, a méchamment accusé le coup des années). Mais plus que cela, c'est l'œuvre en elle-même qui fonctionne encore comme au premier jour. Que ce soit le scénario, les scènes d'action, les effets spéciaux ou le jeu des acteurs, tout roule à la perfection.
Non mais, regardez ce groupe de méchants cambrioleurs mené par un Hans Gruber d'un charisme dingue, dont chaque coup d'œil en coin est un coup de poignard projeté entre vos deux yeux. Des méchants qui, contrairement à ce que l'on croise d'habitude dans les films du genre, sont loin d'être un ramassis d'idiots. Soit, nous ne sommes pas face à une faction d'Einstein en puissance et la plupart sont assez insignifiants pour qu'on ne retienne même pas leur nom. Cependant, il est agréable de voir qu'il y a de la réflexion dans l'air au cœur de cette unité (le petit frère de Karl qui allume les lumières avant de s'avancer dans une salle en travaux, Karl qui soulève les fragments du conduit d'aération pour trouver McClane, l'asiatique qui choisi du Crunch et un Magnum pour calmer sa petite fringale, etc.). Hans reste cependant la tête pensante de la troupe et quel chef, mes amis !
Voilà ce que j'appelle un méchant, un vrai. Costume sur mesure, coiffure impeccable, élocution millimétrée, il est surtout délicieusement ingénieux, narquois et sans pitié. A l'image de Severus Snape qu'il campera des années plus tard, Alan Rickman nous expose ici un antagoniste qui accumule chaque parcelle d'informations qu'il obtient pour les mettre bout à bout à la vitesse de l'éclair. Sans crayon ni papier, il note tout ce qui pourrait servir ses plans dans un recoin de sa mémoire avant d'étaler son savoir au moment opportun. Hans Gruber fait planer sur le Nakatomi Plaza une atmosphère poisseuse où on sent que n'importe qui pourrait y passer sans que cela ne lui fasse ni chaud, ni froid. Il veut son argent, et peu importe si cela demande d'éliminer une trentaine de personnes innocentes et quelques contingents de la police locale.
Néanmoins, il n'y a pas que lui dans l'aventure. Bruce Willis est là également, avec son John McClane poussé à trouver tous les stratagèmes possibles et imaginables pour mettre des bâtons dans les roues des ravisseurs de sa femme. Un John McClane qui n'a jamais été aussi crédible que dans cette peau de flic en vacances, coincé dans un immeuble en construction aux prises avec un groupe de braqueurs conduits par un chef retors, simplement vêtu d'un pantalon et d'un marcel. On le voit circuler dans les étages, mémorisant chaque détail du champ de bataille, luttant pour se débarrasser de chacun de ses adversaires sans rien dans les poches (ou presque) et trépignant derrière les vitres de sa tour d'observation lorsqu'il voit la cavalerie faire demi-tour. Comment ne pas s'identifier à lui quand toutes ses réactions paraissent si plausibles ?
En tout cas, autrement plus que dans les films de la franchise qui suivront. Les explosions, les armes et les hélicoptères sont déjà là, mais rien n'apparaît par la grâce du Saint-Esprit (cf. le 5 et son mémorable coffre plein à craquer de mitraillettes dernier cri). Les plans du héros paraissent aussi autrement plus abordables (on imagine plus facilement saucisonner un écran d'ordinateur sur une chaise à roulettes que de lancer une voiture de police à pleine vitesse sur un hélicoptère). La surenchère est moindre et c'est d'autant plus profitable pour cette histoire qui n'en ressort que plus grande encore. Tout paraît si simple qu'il est facile d'y croire, au point qu'on est également plus enclin à craindre pour sa couenne.
J'ai beau l'avoir déjà vu plusieurs fois, mon cœur s'affole toujours quand John se retrouve accroché à cette lance d'incendie dont l'enrouleur l'entraîne vers le vide. D'ailleurs, quand il parvient à se détacher, Bruce dépeint avec brio la frousse que tous les spectateurs ont eu pour lui. C'est un point qui mérite d'être souligné par ailleurs. Ici, John McClane a peur. Malgré ses piques à l'adresse de Gruber, il n'a pas la belle assurance qu'il exposera plus tard à la face de ses opposants. On le voit paniquer quand Ellis se fait passer pour son ami, trembler quand il se retrouve au bord du toit, hésiter quand il se suspend dans la gaine d'aération à l'extrémité de la sangle de son fusil mitrailleur. Des réactions humaines en somme.
De manière générale, ce film est humain. Il n'y a aucun véritable super héros, tout le monde est aussi simple que le péquin moyen. Que ce soit Al Powell, le conducteur de la limousine, le journaliste ou le chef de la police, ils sont tous terriblement humains, avec les qualités et les défauts que cette situation induit. Et puis, ils ont tous leur utilité. Le syndrome de tapisserie que subiront d'autres personnages secondaires dans les opus suivants est inexistant ici. De même, si leur rôle n'est pas creusé au même niveau pour chacun d'eux, on a suffisamment de miettes de leur vie pour nous attacher à eux (ça vaut essentiellement pour Powell ceci-dit). Vous noterez d'ailleurs que les deux seuls acteurs noirs de ce film sont en vie à la fin et ne sont pas que de simples faire-valoir du héros.
A part ça, la réalisation est nickel (pas besoin de confier la caméra à un grabataire pour donner l'impression qu'il y a de l'action) et la musique est top. A voir absolument pour savoir ce qu'est un véritable film à suspens. Et puis un Bruce Willis chevelu, ça mérite un coup d'œil.