A bout de souffle était déjà un film très décousu et conceptuel mais Pierrot le fou poursuit avec plus d'intensité cette démarche. Et l'impression première qui me viens concernant la volonté de Godard sur ce film, c'est qu'il cherche plus le collage d'impression que la cohésion narrative, une démarche osé dans la mesure où plonger dans le ridicule et l'indifférence sont des risques auquel Godard devra faire face. Outre cet aspect là, Pierrot le fou est un road movie nous emmenant en direction du sud de la France, de la mer. Les couleurs prédominantes sont donc le bleu, hymne à la liberté, à l'évasion et le rouge symbole d'une démarche passionnel mais dangereuse, dangereuse car rouge comme la sang symbolisant les dangers auquel nos deux personnages principaux s'opposent.

Ces personnages remarquablement interprétés par un Jean Paul Belmondo et une Anna Karina des grands jours se dressent contre une société de consommation étouffante, coupable de formatage d'esprit et d'entrave à la liberté. Ainsi Ferdinand passera la majorité de sont temps enfoui dans les livres, dans lequel il trouve une forme de liberté, une nouvelle motivation à l’escapade de ce monde d'abrutis. Mais Ferdinand est un double personnage, il est à la fois Ferdinand et Pierrot, Ferdinand pour son coté penseur et intellectuel et Pierrot pour son coté aventureux, tueur et déserteur. Ainsi lorsque Marianne l'interpelle souvent par le nom de Pierrot, il lui répond constamment 'Je ne suis pas Pierrot, je suis Ferdinand'. L'amour est abordé à plusieurs reprises via le couple Ferdinand/Marianne et le constat que nous délivre Godard se révèle être assez sombre car leur amour qui se détache de la société de consommation est beaucoup trop dangereux, beaucoup plus qu'un amour simple dans le carcan de la société et du formatage. En outre il aborde énormément le thème de l’incompréhension en amour et de cela je retiendrait une réplique assez forte du film :
"Ferdinand: - Pourquoi es-tu triste ?
Marianne: - Parce tu me parles avec des mots et que moi je te regarde avec des sentiments.
Ferdinand: - Avec toi on ne peut pas avoir de conversation, jamais d'idées que des sentiments !
Marianne: - Mais il y a des idées dans les sentiments."

Les références sont nombreuses dans Pierrot le fou et Godard ne s'en cache pas, bien au contraire. Il multiplie les répliques tirés de livre qui viendront se mêler aux références cinématographiques et même musicales. Car à deux reprises, l'on bascule dans une espèce de fausse comédie musicale où Anna Karina interprète deux chansons de Serge Rezvani « Jamais je ne t’ai dit que je t’aimerai toujours, oh mon amour » et « Ma ligne de chance ». Pour continuer dans le domaine du sonore c'est de nouveau un des points forts du film de Godard grâce à une bande originale d'Antoine Duhamel :ponctuelle, passionnante et remarquablement bien insérée.

L'oeuvre de Godard s'axe énormément sur le jeu du champ/hors champ, tandis que Ferdinand plein cadre est silencieux, Marianne en hors champ prends la parole et vice versa. Ce qui se passe en dehors de l'écran a autant d'importance que le plan lui même. J'aimerais aussi touché quelques mots sur la narration en voix off que je trouve remarquable car intrigante voire presque enivrante par le patchwork d'émotions qu'elle délivre.
Dodeo
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le 3 nov. 2012

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