Intéressant de voir Pina juste après Carnet de notes sur vêtements et villes tant les deux approches documentaristes sur deux personnalités artistiques s’opposent. Carnet était assurément personnel et original dans sa forme, et en même temps un rien fatigant avec ses images dégueulasses filmées en caméscope. Aussi me suis-je plongé dans Pina avec une certaine hâte, celle de d’admirer de magnifiques tableaux illustrant et exaltant l’art de Pina Bausch. Cette beauté plastique, je l’ai eue, et j’imagine que voir Pina à sa sortie en 3D avait dû être une belle expérience, même si on était réfractaire à ce type de projection.
Et pourtant, après la fascination du premier quart d’heure consacré au Sacre du Printemps, je n’ai pu empêcher un certain ennui s’installer, à deux doigts même de me dire que finalement, Carnet de notes était plus intéressant. Pourquoi ? D’abord peut-être parce que Pina Bausch n’est perçue qu’à travers des images d’archives et par le témoignage de ses « anges gardiens », pour reprendre une expression concluant Carnet de notes, c’est-à-dire ses danseurs. Or, dans Carnet, Yohji Yamamoto était directement questionné par Wenders, tissant peu à peu avec lui une familiarité qui permettait au couturier de se livrer. Et le voir s’activer sous l’œil de la caméra du réalisateur, plongé dans un processus créatif et aidé par ses anges gardiens, n’était pas non plus sans susciter une certaine fascination. Seulement, voilà, Pina Bausch est donc morte en 2009, ce film hommage doit donc se contenter d’images d’archives et du témoignage de ceux qui l’ont connue. Or, entendre dire en continu « elle était ceci », « elle m’a appris cela » est clairement moins édifiant que de voir la bête en action, sous nos yeux.
À cela s’ajoute un effet kaléidoscopique qui, à la longue, peut saouler. On comprend que sa pièce Café Muller est un chef-d’œuvre, mais la voir par petits bouts, fragmentée par des inserts de témoignages, ne permet pas de saisir pleinement sa richesse. On arguera que le film a le grand mérite de proposer un vaste échantillon pour faire découvrir l’art de Bausch. C’est vrai. Mais j’aurais justement préféré qu’il y en ait moins, que Wenders se contente de trois pièces (par exemple Le Sacre du Printemps, Café Muller et une autre) mais filmées in extenso, et surtout sans ces témoignages annihilant toute émotion (franchement, on s’en fout un peu, de leurs commentaires, c’est du niveau de certains bonus de DVD). Wenders donnant sa vision de l’art de Pina Bausch, et de la même manière lui rendant hommage. C’était le meilleur moyen je pense de la rencontrer et, surtout, de ressentir le rythme très particulier ainsi que les émotions d’un spectacle de danse contemporaine.
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