Pinocchio
4.2
Pinocchio

Film de Robert Zemeckis (2022)

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Si je m'attendais à ça !! J'étais parti pour regarder une catastrophe industrielle, et je découvre cet étrange hybride où un artiste et une industrie à fric se livrent un combat sans merci. Tous ceux qui voulaient voir l'industrie gagner pour alimenter leur mauvais esprit contre la souris géante ont vu ce qu'ils voulaient voir. Pourtant, au fond de moi, un petit quelque chose résistait avec force contre la volonté de me rallier au reste du public par pur confort...

Une chose au moins est claire : ceux qui refusent de voir le style de Zemeckis dans ce film sont soit de mauvaise foi, soit incultes. On aime ou pas ce style kitsch qui lorgne plus vers le dessin animé que vers un vrai film "live", mais c'est du pur Zemeckis. Qui peut oublierLe Pôle Express ou Le Drôle de Noël de Scrooge ? Ces films ne sont certes pas les chefs-d'oeuvre de leur réalisateur, mais ils synthétisent bien son amour d'une magie délicieusement kitsch et volontairement trop sucrée. Pinocchio est exactement de la même veine que ces deux films. Et s'il appartient indéniablement à la branche "too much" de Zemeckis, on ne pourra jamais lui enlever la paternité de cette oeuvre.

En ce qui me concerne, Pinocchio est probablement un des meilleurs remakes Disney que j'ai vus, précisément grâce à Zemeckis. Enfin, plus encore que l'ami Robert, c'est surtout la présence de son fidèle directeur photo qui m'a fait plaisir. Don Burgess est un des plus grands dans son domaine, et ce film le prouve une nouvelle fois. La photographie de ce remake est un émerveillement de tous les instants, typique des mouvements ultra-fluides et virtuoses (pour ne pas dire tape-à-l'oeil) de caméra qu'affectionne tant Burgess et son réalisateur. Là réside la vraie magie de ce remake certes inutile, mais jamais (ou presque jamais) honteux.

La relecture n'est pas incroyablement audacieuse, mais a tout de même le mérite d'ajouter quelques éléments fort plaisants. On pense tout particulièrement aux motivations extrêmement touchantes de Gepetto. Le fait d'avoir fait de Pinocchio le remplaçant d'un fils décédé donne bien plus de profondeur au personnage de Gepetto, même si cela crée un risque d'incohérence car Gepetto a donc déjà élevé un enfant et devrait être davantage conscient des risques que court Pinocchio en étant livré seul à lui-même.

Le personnage de Fabiana est un ajout certes dispensable mais très joli et très poétique, étoffant de manière captivante le rapport de Pinocchio aux humains (l'intermédiaire obligatoire de la marionnette Sabina étant une des meilleures idées du film). C'est probablement le meilleur ajout du film, même s'il aurait évidemment gagné à être développé. Mais de manière générale, tous les dialogues ont tendance à donner plus de force au récit et à ses enjeux, même si parfois, ces enjeux sont formulés de manière beaucoup trop directe.

Sur le plan de la mise en scène, en tous cas, il y a des passages absolument fous qui transpirent le style de Zemeckis à 200 % ! S'il est assez courageux de commencer par 20 minutes entièrement en huis-clos, la mise en scène s'avère ultra-solide que le décor se résume au salon de Gepetto, ou qu'on s'envole pour l'Île enchantée, probablement la séquence la plus prodigieuse du film, tant elle sait condenser à la fois la magie Disney et la magie Zemeckis avec un zeste de profondeur bienvenu (les horloges comme gimmick rappelant à Pinocchio ses devoirs de fils, belle idée).

Seul regret : Luke Evans qui entame sur l'île une chanson qui appelait une séquence obligatoire de comédie musicale, et là, la caméra se coupe pour aller retrouver Gepetto. Jamais on n'aura notre scène de comédie musicale, quelle tristesse et surtout quel gâchis...

Enfin, c'est probablement sur la séquence avec Monstro que je rejoindrai le plus les commentaires négatifs. Acte le plus raté du film, nous privant d'une séquence sous-marine qui aurait été magique (il est d'ailleurs assez ironique de voir ceux qui crient au copié-collé râler parce qu'on a pas eu cette séquence toute droit tirée du film d'animation), les effets spéciaux semblent soudain étonnamment cheap lorsqu'il s'agit de modéliser les mouvements d'eau. Autant Monstro, ça passe, autant l'eau, c'est une catastrophe... La séquence en elle-même est d'ailleurs trop vite expédiée, et la course-poursuite entre Monstro et Pinochio est franchement risible. Donc là, oui, c'est le seul moment du film que j'accepterais qu'on qualifie de honteux, même si je trouve le terme un peu fort. Il est en tous cas très nettement inférieur au reste.

Mais à part ça, Pinocchio est un pur film de Zemeckis, qui lutte parfois contre l'ogre Disney en son propre sein, ce qui crée des frictions indésirables par moments (les chansons, notamment, presque toutes décevantes). Mais malgré tout, le réalisateur a indéniablement mis son âme dedans, cette âme d'enfant qui, seule, est capable de continuer à s'émerveiller devant un conte déjà raconté cent fois, envers et contre toutes les décisions bassement mercantiles de la machine hollywoodienne.

Et là où tout le monde semble vouloir voir la décadence d'un grand réalisateur d'Hollywood, je n'arrive pas à voir autre chose que la résistance d'un grand réalisateur qui refuse de se laisser écraser par cette machine à fric et à broyer que tout le monde dénonce.

Entre ses effets spéciaux douteux et sa mise en scène flamboyante, Pinocchio est en réalité une arène où se livrent en combat singulier une vision d'artiste et un géant qui avale tout sur son passage. Je sais que je suis le seul, mais j'ai vu l'artiste gagner. Et ça, ça vaut toutes les petites compromissions du monde.

Tonto
7
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le 11 nov. 2022

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