Second film historique que je regarde d'Oliver Stone, après Alexandre (que j'avais trouvé très réussi quant aux faits, à la représentation des batailles et à la psychologie d'Alexandre). Je m'attendais donc, en plus des bonnes critiques, à une bonne prestation de Platoon. Et des films sur le Vietnam, il y en a, et des très bons ! La barre pouvait donc être assez élevée.

Tout le long du film, on cherche quelle référence Platoon convoque-t-il. Est-ce une référence au philosophe grec ? Il y en aurait plus d'une : dualité âme/corps, combat intérieur, mieux se connaître, etc. Mais Platoon, en langage militaire, c'est la section ! L'ambivalence du titre nous donne déjà une indication sur les visées d'Oliver Stone : une vision consciencieuse, intellectualisante de cette guerre. Aussi, Chris Taylor, le personnage principal, devient-il un volontaire intello qui va connaître sa descente aux enfers.

J'ai trouvé ce film en fait relativement inégal. A côté de coups de génie, de plans très justes, d'images et de métaphores bien filées, on a quelques séquences longues, dont on a l'impression qu'elles sont là seulement pour en mettre plein la vue. On a juste l'impression de voir des mini-Rambo se former dans chaque soldat américain ! Willem Defoe, bien qu'il donne certainement la meilleure prestation du film, en deviendrait presque ridicule à tuer une bonne dizaine de viets sans aucun souci. Mais il est sublime, mourant implorant le ciel, un sacrifié, christique.

C'est un film autobiographique : Oliver Stone s'est lui-même engagé pour le Vietnam. Il paraît donc moins étonnant qu'il ait choisi d'en retranscrire une expérience personnelle, celle d'un simple soldat. En fait, je me suis dit qu'on avait affaire là à un Full Metal Jacket sans première partie. On est immergé dans cette merde inhumaine du début à la fin, et à chaque nouvelle fusillade, Taylor se remet un peu plus en question, jusqu'à sombrer dans cette folie furieuse, alimentée ou non par les narcotiques qui permettent à tous ces soldats d'échapper à une réalité brute, de parvenir à la transcendance, qui devrait certainement avoir meilleur goût que ce monde brutal (la scène où Elias souffle dans le canon de son fusil pour faire fumer Taylor est particulièrement savoureuse quant aux images véhiculées : pour échapper à la mort du quotidien, on fume dans une arme).

Mais comme dans bon nombre de productions américaines sur le Vietnam, on n'a que peu d'informations sur le côté vietnamien de la chose. Aussi, l'impression est telle que la guerre de chacun avec soi-même, et de l'un avec l'autre, ne dépasse-t-elle pratiquement pas le camp US : Barnes et Elias luttent à mort, et ensuite Taylor et Barnes. Cette "platoon" ne semble pas si unie que cela, représentation de ce pays qui s'automutile, en bombardant ses positions, en tuant ses propres cadres, ou en s'enfonçant un pieu dans la jambe.

Une prestation inégale pour O. Stone, qui dresse pourtant un portrait émouvant, philosophique d'une guerre suicidaire, forgeant le caractère de ses soldats, les marquant à vie.

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le 11 août 2014

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Alexandre G

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