Poetic Justice (John Singleton, U.S.A, 1993, 1h49)

Après le séminal ‘’Boyz n’ the Hood’’, et son succès retentissant en 1991, John Singleton revient deux ans plus tard avec une petite bluette sentimentale, sans trop d’ampleur, ni d’envergure. Une toute petite comédie romantique assez naïve, qui surprend un petit peu, face à la dramaturgie employée dans son précédent film.


Justice (mais en fait vous verrez, c’est Janet Jackson) est une jeune Afro-américaine, coiffeuse de carrière, elle aspire à devenir poétesse. La tête dans les nuages, elle ne compte pas rester toute sa vie prisonnière de ce travail, qui n’est que temporaire. Entre temps elle nourrit ses rêves d’autrice libre, pouvant aller chercher ses inspirations là où elle le souhaite.


Justice n’est ainsi prisonnière que de sa condition sociale, que par ce qui l’attache à son travail et à son quartier. Pour le reste elle est un esprit libre, que les carcans de la société n’ont pas encore broyée par leurs rigidités infernales. C’est ainsi qu’est introduit ce charmant personnage, pas forcément bien interprété, car les limites du jeu de Janet Jackson sont très rapidement atteintes.


Inopinément, elle fait la rencontre de Lucky (mais vous verrez, c’est 2pac), qui tombe tout de suite sous son charme, et se met en tête de la séduire. La tâche est ardue, puisque Justice n’est pas une femme facile. Elle a des principes, et ne se laisse pas embobinée comme ça par le premier bel inconnu qui passe. Lucky va alors mettre tout en œuvre pour lui montrer qu’il peut être le gentleman qu’elle attend. Commence une aventure romantique qui évolue en road trip, tout ce qu’il y a de moins épique.


‘’Poetic Justice’’ surprend sur plusieurs points. Tout d’abord la faiblesse de son scénario, signé John Singleton, qui fait la part belle aux clichés, et peine à donner de la texture à des personnages qui s’avèrent assez fades. Donnant une grande difficulté à leurs interprètes de leur donner vie. Surtout face à des situations surfaites, qui manquent d’une authenticité, qui avait pourtant fait la force de sa première œuvre.


Ensuite, le peu d’enjeux soulevés par le récit, plonge l’audience dans un ennuie poli. Si ça ne se regarde pas forcément sans déplaisir, ce n’est pas non plus particulièrement passionnant. L’histoire d’amour entre Justice et Lucky est cousue de fil blanc, et ce n’est pas un humour qui peine à décoller, qui rend l’ensemble particulièrement appréciable. C’est en fait très banale.


Puis, le fait qu’il se place dans la mode des ‘’Hood Film’’, avec tout ce que cela implique, en fait une œuvre hybride un peu étrange. Là où ‘’Above the Rim’’ parvenait à faire la synthèse entre le genre et celui du ‘’Sport Drama’’, ici l’association avec la ‘’Rom Com’’ peine à convaincre totalement. L’abus de clichés, comme la violence, le quotidien sordide, cette envie d’ailleurs, la difficulté de se sortir d’une communauté très fermée, déconcertent plus qu’interrogent.


Enfin, la cohésion de l’ensemble est des plus étrange. Comme lors de cette séquence au bord de l’eau, durant laquelle le film permet de souffler, en sortant du tissu urbain de la banlieue de Los Angeles.Il y avait matière à offrir une métaphore dans l’opposition entre ces deux lieux. On peut imaginer d’ici l’apport de réflexions possibles. Mais que nenni, ça n’essaye jamais d’aller plus loin que la toute petite comédie dramatique, sans enjeux de tailles, ni ampleur.


‘’Poetic Justice’’ est à l’instar d’un ‘’South Central’’, la preuve qu’un genre peut s’essouffler très rapidement. Et que même un artisan de sa création, comme l’est John Singleton, n’est pas à l’abri de tomber dans le piège de l’autoparodie. Ce qui est dommage, et donne à l’ensemble une impression d’inachevé, d’inabouti.


Sans ampleur dramatique, même si par moment de petites fulgurances tentent de présenter une image de la femme un peu différente. Souvent secondaire dans le ‘’Hood Film’’, elle occupe ici le rôle principal. Mais l’ingénuité avec laquelle est traité le métrage ne rend pas vraiment hommage cette place dans la société américaine, et plus précisément au cœur de la communauté Afro-américaine.


Demeure un film correct, comme un téléfilm un peu luxueux, avec deux artistes musicaux, qui n’apportent pas grand-chose. Même si c’est toujours plaisant de retrouver Tupac Shakur, qui s’avère être un comédien des plus talentueux, et qui sauve ce ‘’Poetic Justice’’ de l’oubli. Je réalise en écrivant ces mots que je suis peut-être un peu dur, car le film est volontairement léger. Mais écrire cette chronique après celle de ‘’Menace II Society’’ est sans doute la raison de ma négativité. Car un gouffre sépare les deux œuvres, sorties pourtant la même année.


Les ‘’Hood Films’’ se suivent donc, mais ne se ressemblent pas forcément. Ce qui sera d’ailleurs un peu la règle pour les années à suivre.


-Stork._

Peeping_Stork
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste In da Hood

Créée

le 4 avr. 2020

Critique lue 677 fois

1 j'aime

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 677 fois

1

D'autres avis sur Poetic Justice

Poetic Justice
Caine78
2

Poète à la rue

John Singleton, le réalisateur de "Shaft", s'attaque à une histoire d'amour. Sans surprise, c'est affligeant. Entre les acteurs jouant terriblement faux et l'émotion jamais présente, e film apparait...

le 6 nov. 2017

1 j'aime

Poetic Justice
Shawn777
4

Janet n the hood

Après "Boyz n the Hood", John Singleton se réattelle à un film de ghetto avec des Afro-Américains mais un peu différent puisqu'il se dirige ensuite très rapidement vers un road movie. Nous suivons en...

le 7 avr. 2023

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime