Course polaire
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Il roule à tout jamais sur ces routes interminables perdues dans un nul part au milieu de ces Etats-Unis désertiques, la chemise entrouverte, le visage halé luisant, les yeux bleus brillants, le speed comme carburant, l’horizon au bout de la route, la mort en ligne de mire. Kowalski, le mythe américain, la liberté personnifiée, dernier cow-boy perdu dans une époque qui n’est pas la sienne, seul avec sa voiture lancée dans une poursuite infernale, une dernière balade sauvage, un ultime sursaut de vie, pour parcourir ce pays qui l’a laissé tomber après l’avoir utilisé. Vétéran médaillé du Vietnam, policier décoré, il fuit cette société, lancé à toute vitesse sur les routes de la liberté, laissant dans son sillage la poussière d’une Amérique décharnée.
Il roule pour toujours dans ces Etats-Unis qui ne sont plus, le moteur chante, les pneus crissent, les paysages défilent, la poussière s’envole, pas d’autres règles que les siennes, pas de compromis, il file, toujours, pourchassé par l’ordre qui veut le remettre à sa place, qui ne peut tolérer d’être remis en cause, par l’ordre tout puissant, par ses policiers qui le suivent à la trace d’état en état, communications généralisées, liberté envolée, et quand la route n’est plus, alors c’est dans le désert qu’il s’en va.
Et il y croise toutes ces figures mythiques disparues qui ont fait la légende de ce pays, ce vieil homme qui vit seul dans le désert avec son chapeau et son camion, à l’écart du monde, et qui attrape des serpents pour survivre, pour les échanger contre du café et des haricots, comme un trappeur dans sa montagne chassait les ours et cette communauté de vieux et d’adultes et de jeunes et d’enfants rassemblaient autour de ce prédicateur étrange, de ce gourou déjanté, qui chantent sur une estrade brinquebalante au milieu d’un rien généralisé et ce hippie motard et sa copine trônant fièrement sur sa moto nue sous le vent, les cheveux blonds voletant gracieusement dans les airs avant de retomber, idéal envolé, état d’esprit évaporé, pendant que ce DJ illuminé, Super Soul, voie d’une Amérique oubliée, autrefois magnifiée, adulée, vénérée maintenant écartée, marginalisée, pourchassée, l’accompagne dans son dernier voyage, ses envolées lyriques flottant dans les airs à côté de la Dodge de Kowalski traçant sur la route, filant dans le vent.
Mais la liberté n’obéit à rien d’autre qu’à elle-même, la liberté ne se laisse pas capturer, la liberté ne s’arrête pas, jamais elle ne le fera.
Alors le mythe Américain en personne meurt sous les caméras de médias attirés par l’assurance d’une grosse audience comme des vautours autours de la carcasse fumante d’un bison dans le crépuscule d’un désert depuis longtemps oublié, et puis sous le regard d’une population qui se rassemble pour ne pas louper le spectacle annoncé pendant que sa dernière voie, son dernier souffle, ses derniers trémolos déchirants se fait tabasser sous les yeux de tous, pour avoir la peau un peau trop foncé et pour avoir parlé un peu trop fort, aussi.
Et comme ça Kowalski s’en va. Libre à jamais, quittant un monde qui n’est plus le sien, flottant au-dessus de ce mythe envolé.
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le 16 sept. 2016
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