Rebrousse chemin, fesse-mathieu inepte, pisse-froid cul-serré ou philistin inopérant, ce film n’est pas fait pour toi.

Parce que, il faut bien l’avouer, c’est absolument charmant, parfaitement désuet et dénué tout autant de cynisme criard sur fond gore que de twist extra-terrestre à base d’effets spéciaux numériques, c’est le cinéma de papa, en version douce et Paris d’après-guerre, un peu dans la veine de la Belle américaine.

C’est un film de Grangier, c’est propre comme tout, ça sent la soupe du soir et les petits blancs au comptoir, et c’est en particulier la première rencontre cinématographique de Bourvil et de Louis de Funès, le premier étant déjà installé et le second encore habitué aux seconds rôles marquant (ici, un savoureux garde-pêche à l’accent berrichon ou je ne sais quoi, tout un programme…).

Bourvil est garagiste, enfin, employé comme tel, vu qu’il passe plus de temps au troquet d’en face (« la succursale ») à jouer au baby-foot qu’à résoudre des problèmes de mécanique escroqués aux clients naïfs… A un moment, Maurice Biraud lui refile une canne à pêche et le voilà embarqué dans un dimanche buissonnier qui s’annonce d’autant plus épique qu’il commence déjà à raconter des bobards à son Annie Cordy de femme…

Il y a derrière tout ça un charmant parfum d’adultère et de femme entretenue qui sent bon la Belle époque, et le film, après un début légèrement poussif, prend très vite sa vitesse de croisière pour devenir parfaitement jubilatoire, à deux ou trois maladresses près…

Le petit miracle vient de la rencontre réussie entre deux types d’humour absolument opposés. D’un côté, le comique de caractères et de situation avec notre duo d’acteurs déjà bien installé et de l’autre le comique de dialogues à la Audiard, ciselé comme il faut, pas encore tombé dans l’argot d’ailleurs et moins riche en effets faciles. Grangier, qui fera les deux avec la même facilité dans sa carrière, sert très habilement de pont entre ces deux écoles et évite soigneusement de gâcher notre plaisir.

A noter d’ailleurs pour être parfaitement honnête que ce n’est pas dans la bouche de nos deux bonhommes que le verbe savoureux est le mieux utilisé, non, c’est surtout Pierre Dux qui fait ici feu de tout bois. Pierre Dux, c’est la comédie française, plus connu d’ailleurs pour avoir été au Conservatoire de Paris le professeur de la génération Belmondo-Rochefort-Rich que pour ses propres prestations, ce qui est bien dommage tellement il fait ici merveille, arrachant sans efforts mes rires les plus gras et les plus impromptus.

Autour d’eux, ces dames s’en sortent très bien, autant Jacqueline Noël en cousine légère que Denise Grey en épouse bafouée ou encore sa fille Denise en voisine éphémère… Le petit monde ne connait pas de fausses notes et une fois lancé, c’est un vrai bonheur de le voir se dépatouiller dans ses propres inconséquences.

Ne vous fiez donc pas aux quelques notes mesquines de ce film méconnu et, si vous n’êtes pas concerné par le premier paragraphe, laissez-vous tenter sans crainte, surtout si vous êtes une jolie lapine amatrice du genre.

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le 14 févr. 2013

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Torpenn

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