Laisse pas traîner ton fils...
Oui, oui, vous avez bien vu une faute d’orthographe. Car on doit y deviner ici le sujet du film : les enfants. Ah, les enfants et leurs bonnes vieilles fautes d’orthographe. Les gosses, d’accord, mais attention, il ne s’agit pas ici d’évoquer les aventures d’un petit ourson et de ses amis, ni d’un gros dinosaure orange chantonnant des airs enfouit quelques part dans nos souvenirs d’enfance, mais bel et bien de l’extrême contraire, qui s’avèrerait nettement moins gai : abus, maltraitance, violence, et attouchements sexuels envers les mineurs. On est à des années-lumière du conte pour enfants. Nous voilà donc immergés au coeur de la Brigade de Protections des Mineurs (BPM) de Paris. Maïwenn, la réalisatrice, s’est fixé comme objectif de nous sensibiliser au travail d’une brigade très (trop) snobée dans le milieu policier. Et pourtant, leur quotidien n’est pas des plus joyeux. Témoignages et faits réels pris sur le terrain, acteurs très bons et soignés, ne sont que le résultat d’un réalisme criant, nous donnant l’impression d’une plongée au coeur d’un documentaire. Les âmes sensibles seront prévenues.
Rire, larme, joie, compassion, haine, sympathie… Du début à la fin, on inflige au spectateur la définition d’un seul mot, et ce, sous toutes ses facettes : le sentiment. Des larmes à peines séchées donc, et on se surprend à sourire, voire à rigoler sur la scène suivante, ce qui fait la force de ce film. Une trame intéressante, celle que l’on n’imagine pas, on y apprend des êtres humains se doivent de dédramatiser, et de blaguer dès que possible, sur une dure réalité et sur des faits atroces, afin de garder un équilibre mental, et un recul sur la vie. « C’est une façon pour eux de rester debout, de mettre une nuance entre leur travail et leur vie privée », expliquera Maïwenn.
« Laisse pas trainer ton fils ». Morceau créé par NTM en 1998 qui, 13 ans plus tard, influencera curieusement Fred, le personnage incarné par JoeyStarr. Endossant le rôle du flic dur à cuire qui répond toujours présent quand un témoignage tourne mal, l’éternel revendiqué à la denture d’argent accomplit sa mission avec brio, et nous prouve une nouvelle fois qu’il s’est réellement trouvé un deuxième talent après avoir mis le rap de coté. Il est rejoint par une quinzaine d’acteurs plus ou moins connus, dont des têtes d’affiche comme Karin Viard, qui confirme le talent qu’on lui estimait déjà, et Marina Fois qui donne raison à ceux qui la classent dans le lot « actrice » plutôt que de comédienne télé (dixit les Robins des Bois). Karole Rocher et Nicolas Duvauchelle, découverts dans la série Braquo (qui décidément aiment les rôles de flics) complètent ce généreux casting.
Petits pas de danse improvisée en boîte de nuit sur un fond funky ; une adolescente qui tient beaucoup à son petit téléphone portable ; un gamin effondré, qui contre le voeu de tous, est forcé de se séparé de sa maman, une fin surprenante et fulgurante... Bref, toutes ces scènes, dont on aura du mal à oublier, font de Polisse un film qui peut se permettre de titiller la catégorie des très bons films français de ces dernières années.