Il semble que ceux qui n'aiment pas Post tenebras lux ne l'aiment pas pour de mauvaises raisons. Abscons, incompréhensible, prétentieux, vide, les qualificatifs ne manquent pas. C'est d'ailleurs très amusant de constater que ce sont les mêmes qui ont encensé un autre film cannois, lui-même spectaculairement autocentré et creux [mais revenu bredouille du festival], Holy motors. C'est un peu l'hôpital qui se moque de la Charité. Mais le problème n'est pas là, bien au contraire.

La première séquence est magnifique. Tout le monde s'accorde là-dessus. Mais ce n'est pas la seule. Carlos Reygadas sait magnifier la nature, la confronter aux animaux, aux hommes, rendre compte de l'humidité de l'air, de la lourdeur du sol, des sons qui l'habitent. D'autres scènes en témoignent, en bord de mer, dans un sous-bois, la plus belle de toutes étant sans doute le match de rugby, plein de souffles, de chocs, de sol humide, de voix étouffées. On regrettera cependant l'utilisation d'un curieux procédé déformant la périphérie de l'image, quelquefois plus de la moitié de celle-ci. On est d'abord agacé, puis on oublie, mais cela n'apporte rien.

Au début du film, on se dit qu'il faut simplement regarder. Les scènes se succèdent sans rapport évident les unes avec les autres, certaines très belles, d'autres anecdotiques, surprenantes (les coups donnés au chien) ou curieuses (le diable animé). On accepte très rapidement l'idée d'un film non-narratif, sorte de déroulé contemplatif et formel, dont le seul objectif serait de nous conduire à voir, observer, ressentir.

On comprend malheureusement trop vite qu'il n'en est rien. Post tenebras lux nous raconte bien une histoire, un truc autour de la rédemption, de sens de la vie, on ne comprend pas vraiment, mais on arrive rapidement à lier un maximum de scènes entre elles. C'est finalement assez simple. Le problème c'est que ça ne nous intéresse pas. Et ce n'est pas cette curieuse scène de club échangiste, à la fois douce et glauque, pas sensuelle, juste bizarre, qui va accrocher notre intérêt. On se demande alors pourquoi tant de complications pour si peu.

Tout cela est fort regrettable parce que Carlos Reygadas a du talent. Mais raconter une histoire de manière sensitive et charnelle, lier la nature au récit, travailler les corps, l'image, le son et le fil romanesque dans un même élan cinématographique, n'est pas donné à tout le monde.

N'est pas Andrea Arnold qui veut.
pierreAfeu
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le 13 mai 2013

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