Cadeau empoisonné

Très peu de notes sur le site, certaines catastrophiques. Aucune critique sur le site pour un film récent. Ca fait beaucoup d’indicateurs vraiment décourageants pour ce film. Mais, l’incroyable répartition du peu de notes montre que les uns et les autres ne savent pas trop quoi penser de ce film. Comme c’est un film de Denis Dercourt et que j’étais célibataire pour un soir, j'ai fais le curieux. Maintenant, vu que j'ai hésité entre m'endormir et m'énerver devant ce film, ça m'étonnerait que je tente le coup avec la tourneuse de pages, si vous voyez ce que je veux dire...
Donc, maintenant je sais pourquoi ce film inspire peu. Il a sans doute reçu un piètre accueil auprès de la critique professionnelle et il est sorti en catimini. Denis Dercourt est français, mais le film est clairement allemand. Il faudra que je me renseigne là-dessus.
Le prologue se passe en Allemagne de l’est, avec un groupe de lycéens. Paul fête ses 16 ans. Il est fassiné par la jolie Anna qui est déjà prise par Georg. Pourtant, une scène fait sentir que Paul intéresse Anna, mais Georg la considère comme sa possession. Paul est qualifié d’intuitif par un prof qui rend un devoir, alors qu'il a une des meilleures notes. L'autre meilleur note est pour Georg que le prof qualifie de particulièrement méthodique. C’est pas très fin, mais on sait à quoi s’en tenir sur les caractères. Pour ceux qui n’auraient pas compris, il y a un jeu de regards entre Paul, Georg et Anna qui sont dans la même classe.
Georg emmène Anna vers une plage en moto, Paul suis en vélo. A la plage, Anna se baigne seule laissant les garçons discuter. Georg comprend qu’Anna plait à Paul. Paul lui présente alors une lettre qu’il dit avoir reçue d’Anna. Un mot où Anna prétend penser continuellement à lui. Georg le prent tellement bien qu’il proposer à Paul de lui céder Anna, disant que ça tombe bien, puisqu’il hésitait à suivre sa famille qui devait déménager. Paul est évidemment très étonné. Mais Georg lui affirme que ça tombe bien, parce qu’il commençait à en avoir mare d’Anna. Il n’attend pas que Paul comprenne, il propose que Paul lui désigne une autre fille présente à ce moment sur la plage. Que Paul lui choisisse donc une remplaçante à Anna. Alors Paul lui désigne une fille qui écoute de la musique avec son copain, une brune alors qu’Anna est blonde. C’est OK pour Georg qui relève le défi. Il se dirige vers le couple, aborde la fille directement. La scène est présentée de loin. Après une petite discusion, la fille se lève et suit Georg qui repasse devant Paul qui lui demande comment il a fait. Georg lui répond qu’il a appris deux trois trucs de son père. Quand Anna sort de l’eau, elle demande à Paul où est Georg qui lui répond qu’il est parti avec une autre fille. Anna comprend que Georg vient de la plaquer. On s'attend à voir Anna acuser le coup. Pas tant que ça, parce qu’elle explique à Paul que c’est très bien ainsi. Tête-à-tête un peu gêné, elle finit par demander à Paul ce qu’il attend pour l’embrasser. Début d’une belle histoire d’amour. Ah oui, j’oubliais le plus important, Georg a accepté de céder Anna a son ami Paul à la condition que Paul s’engage à la lui céder dès qu’il reviendra la réclamer.
Si j’ai détaillé ce début de film c’est pour faire comprendre comment le spectateur peut le percevoir. Qu’y a-t-il de crédible là-dedans ? Pas grand-chose mes amis. Pourtant, j’ai lu dans Première « Influencé par Michael Haneke, Denis Dercourt a peut-être réalisé son Caché». Peut-être, on sent le doute si vous voyez ce que je veux dire. Naïvement, j’espérais que le réalisateur fasse progresser son intrigue pour que tous les éléments finissent par s’emboîter.
Après le prologue, la suite est située 30 ans après, dans l’Allemagne actuelle. Bien entendu l’ambiance est différente, même si on sent toujours la rigidité teutonne des caractères. Paul est devenu employé de banque, il est marié avec Anna et ils ont deux enfants. Un nouveau dirigeant est annoncé là où il travaille, un certain Georg. Bien entendu c’est l’ami de lycée et on attend qu’il réclame Anna. Georg a beau jouer les amnésiques, Paul se sent menacé dans son couple. Dans le même temps, des photos truquées le montrent en train d’embrasser sa secrétaire, JF connue pour être toute à sa dévotion.
Jeu d’influences, partie de poker menteur, atmosphère tendue et malsaine, voilà à quoi on a droit jusqu’à la fin. Y'a pas à dire, il y a une atmosphère. Malheureusement, on arrive à la fin avec un petit twist qui est sensé tout expliquer. De deux choses l’une, je ne suis pas assez fin pour tout comprendre ou bien Denis Dercourt est passé un peu à côté de son sujet. Heureusement que je l'ai vu seul, j’en connais une qui m’aurait fait la gueule au moins 24 heures si je l’avais obligé à voir une histoire pareille...
Que Dercourt ait voulu mener le spectateur par le bout du nez pour lui balancer une explication finale surprenante, pourquoi pas. Le hic, c’est que sa situation initiale tirée par les cheveux n’est pas totalement expliquée. Déjà, il met le spectateur dans de mauvaises dispositions en lui présentant des comportements abracadabrant, mais qu’il se contente de laisser entendre finalement que l’explication tient juste au fait que les protagonistes étaient bien jeunes, non je ne marche pas.
Il se tire brillamment d’un premier point qui fait hurler le spectateur pendant le prologue. Le fait que Georg puisse convaincre la brune de partir avec lui, finalement ça passe, hé oui. Qu’il aille jusqu’à l’épouser passe déjà beaucoup moins bien, surtout s’il compte effectivement récupérer Anna quand bon lui semblera. Que cette brune se soumette à cette situation est très peu crédible, rapport à son caractère. Qu’il y ait eu dès le début (du film) une attirance entre Paul et Anna, oui puisque les toutes premières scènes montrent un début de complicité. De là à ce que Georg et Anna se séparent pour repartir chacun accompagné par un autre partenaire ce fameux après-midi sur la plage, c'est très difficile à avaler. Tout le reste dans l’Allemagne actuelle n’est finalement qu’un jeu entre Denis Dercourt et son spectateur. Non, ce n’est pas Georg qui manipule Paul et sa famille, mais Denis Dercourt qui manipule son spectateur pour lui livrer un twist final sensé lui clouer le bec en laissant entendre qu’il nous a tous bien eus.
Alors non, nous surprendre ne suffit pas, encore faut-il donner un peu de crédibilité à son scénario. Je ne suis pas de ceux qui disent chef d’œuvre dès que je tombe sur une histoire où des points sont incompréhensibles. Non, Denis Dercourt n’arrive pas à la cheville de Michael Haneke et encore moins celle de David Lynch.
Petite consolation pour ceux qui ne sont pas allés voir ce film, vous avez raté l’occasion de vous adresser à la charmante caissière à qui vous n’osez pas proposer une sortie « Une place pour ton anniversaire » pour voir si elle réagirait !