Au sommet de la technique, à l'apogée de l'art !

Prince Bayaya, film qui nous vient tout droit de République Tchèque, réalisé par Jiří Trnka (que je n'arriverai probablement jamais à prononcer correctement) en 1951. Il s'agit là d'une création, plus du gabarit du conte merveilleux pour enfants que véritablement de la Fantasy, embrassant les mêmes techniques que les films Le Roman de Renard ou autre Dark Crystal : l'utilisation exclusive de marionnettes pour donner vie aux aventures qu'elle conte. Et le résultat est tout bonnement sans appel, à se demander comment on peut encore vouloir des créations cinématographiques usant d'effets numériques quand tant de talent se dégage de l'articulation de ces poupées de bois.


Nous suivons les aventures d'un jeune homme (Bayaya, est-ce son nom ?) qui cherche à libérer sa mère, prisonnière dans un corps de cheval. Ses pas vont le mener à sauver trois princesses d'un royaume de trois terribles dragons.
Pas plus de spoil, comme à mon habitude.


Bien évidemment, on ne peut commencer la critique de ce film sans saluer ce que j'admire pour ce genre de production : l'utilisation de marionnettes pour retranscrire une histoire épique. J'en suis tout simplement fou de respect et d'admiration ! Histoire épique donc bien plus dans la veine d'un conte pour enfants puisqu'il semblerait que Prince Bayaya soit inspiré de plusieurs contes populaires tchèques, rejoignant parfaitement les archétypes des contes universels. La tonalité de l'histoire demeure très simpliste et à aucun moment nous sommes perdus dans cette narration. D'autant plus que, grande originalité de ce film, il ne possède aucune narration à proprement parler : seules quelques chansons introduites durant le chapitrage des différentes parties du conte nous adresseront la parole ; si l'on excepte les quelques lignes de dialogue de la mère, véritable personne doué de parole. Cela apporte un certain cachet à cette production qui prouve de ce fait toute la maîtrise de son entreprise puisque l'intrigue est compréhensible par tous tant les gestes, les mouvements, les expressions des personnages sont si éloquents. Après, d'aucun pourrait déclarer que l'histoire, en soi, n'est guère originale (conte oblige j'ai envie de dire) : une histoire d'amour qui prend forme par le combat héroïque du héros contre des dragons, couplé par des scènes de sérénades et de tournois. Grosso-modo, le conte chevaleresque dans toute sa splendeur et simplicité. Et en effet, même si l'histoire demeure appréciable, elle ne brillera bien plus par sa technique que par ses propos. Il n'en demeure pas moins que Prince Bayaya est une pépite, ne serait-ce pour les plus petits d'entre nous qui déborde d'inventivité dans sa manière d'illustrer les événements et les actions visionnés.


Concernant les personnages, c'est une excellente surprise, d'autant plus que - vous l'avez remarqué à force - ces derniers, hormis pour un ou deux personnages et moments, ne sont pas doués de paroles. C'est à force de gestes que l'intrigue, mais surtout leur émotion et ressenti, doit se jouer. Et le meilleur, c'est que l'équipe technique du film y parvient non sans un certain brio ! La fluidité des mouvements est experte, les expressions sont travaillées bien que l'on aperçoit souvent la même sur les différents personnages que l'on croise tout au long de l'histoire... On ne peut être qu'émerveillé par ce travail sérieux et colossal. Pour en revenir sur les personnages, étant dénués de voix, on les reconnaîtra à un trait physique distinct qui ne se répète jamais malgré le nombre étonnant de figurines ou par une mimique propre (le fou du roi demeure le plus servi et serviable dans ce domaine).


Pour ce qui retourne des "effets spéciaux", tout est manuel (excepté quelques rares utilisations numériques et encore, je doute énormément), aussi bien directement qu'indirectement. Les décors sont sublimes pour le gabarit de cette production malgré, parfois, l'impression de dessin en 2D là où une construction, peut-être plus laborieuse, en 3D aurait été parfaite. Une mention spéciale pour tous les détails apportés au drapé, cela donne vraiment une identité et un mouvement de vraisemblance, de réalisme à ce film, aussi bien dans les bannières flottantes dans le vent, les tuniques qui voltent lors des tournois, la crinières des chevaux ou, tout simplement, le mouvement des habits. Ce qui donne un aperçu du travail dantesque derrière la production de Prince Bayaya. Nous soulignerons, bien qu'il en a déjà été fait mention, de la fluidité minutieuse et des personnages et des drapés.


Pour les combats, c'est fluide et c'est le moins que l'on puisse dire (au cas où je n'aurais pas assez insisté sur cette caractéristique). On notera la volonté de matérialiser le sang des différents dragons affrontés sans que cela soit une volonté directe des réalisateurs, préférant la chorégraphie fort sympathique et la retranscription d'une violence réaliste. Il en va de même pour le tournoi qui possède de nombreux petits détails ajoutant au réalisme des scènes (les lances qui se brisent...).


Pour les décors et les paysages, j'ai pu en toucher quelques mots précédemment mais j'ajouterai que pour les forêts ou le passage dans la grotte, nous avons le droit à un travail tout aussi sérieux et minutieux que pour n'importe quelle partie du film.


En ce qui concerne les musiques, on demeure assez discret malgré l'usage, à chaque chapitrage, d'une petite chanson fort sympathique qui résumera légèrement les attentes scénaristiques.


Prince Bayaya, s'il n'est guère révolutionnaire dans son intrigue, est tout simplement une claque en terme de technique. Jamais il n'aura été aussi bluffant de constater la prouesse de simples marionnettes animées, au point où les paroles se sont révélées inutiles face à l'intelligibilité de simples gestes ou d'un simple regard et d'un sourire peints sur une petite tête de bois. Je ne peux que recommander cette œuvre qui saura émerveiller par sa façon d'être, plus que par les propos et le divertissement qu'elle propose même si elle n'en demeure pas moins divertissante. Une œuvre qui surpasse sans aucune difficulté certains grands monstres du septième art, de quoi laisser rêveur face à toutes les facettes de ce genre de création qui ont tant à proposer.
Et n'oubliez pas que la Fantasy nous appartient !

PhenixduXib
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le 15 nov. 2020

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PhenixduXib

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