Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

Princesse Mononoké contient tous les ingédients d'un animé d'exception

Dans la carrière de Miyazaki, Princesse Mononoké tient une place particulière. En effet bien qu'étant son 7ème long-métrage, c'est celui-ci qui fera se tourner les yeux de l'Occident vers les films d'animation japonais. En 1997 Mon voisin Totoro, La château dans le ciel, Nausicäa, bien qu'excellents, n'ont toujours pas franchi les portes de l'Europe ou des USA et c'est le succès de Princesse Mononoké qui participera en grande partie à l'arrivée en France des autres productions de Ghibli. Alors pourquoi Mononoké et pas un autre ? Tentons de l'expliquer.


Tout d'abord, disons-le Princesse Mononoké est avant tout une claque visuelle. Les dessins sont d'une beauté exceptionnelle (presque entièrement faits à la main), les décors sont magnifiques, les jeux de lumière excellents et le design des persos (que l'on voit souvent de très près d'ailleurs) est très bien réalisé, les yeux notamment qui sont très expressifs. Bref, côté visuels Princesse Mononoké est irréprochable. Mais ça ne suffit pas à faire un dessin animé d'exception. Pour ce faire le contenu doit aussi être à la hauteur. D'autant plus que l'on parle plus ou moins d'un dessin animé pour adultes ou grands enfants (restriction -12 ans en France, PG-13 aux USA).


Là encore, Miyazaki signe un sans-faute. Un propos et une histoire mâture, bien plus sombre que les enfantins Kiki et Totoro. Si le message écologique est clairement identifiable, le film possède une profondeur bien plus importante grâce au plus gros point fort de ce film (à mon sens) : Les personnages. Il est impressionnant de voir combien Miyazaki a mis un point d'honneur à s'éloigner d'une perception manichéenne. Princesse Mononoké ne conte pas l'affrontement d'un gentil très gentil contre des méchants vraiment méchants (comme c'est trop souvent le cas chez Disney d'ailleurs), c'est l'opposition de deux idées extrêmes chez lesquelles on trouve bon et mauvais.
Pour San, que veut-elle ? Sauver la forêt. Il est indéniable qu'il est essentiel de respecter la nature. Alors San est une gentille ? Non. Comment San s'y prend-elle ? Elle cherche directement à tuer Dame Eboshi sans au préalable essayer de raisonner avec elle, d'instaurer un dialogue. Certes rien ne nous dit qu'elle n'a pas essayé mais cette hypothèse semble clairement incompatible avec son caractère. C'est une fille entière dont les intentions sont bonnes mais dont les actes sont très largement répréhensibles.
De même pour Dame Eboshi. Cette dernière souhaite sans aucune considération, raser la forêt. Est-elle une méchante ? Non. Je rappelle que derrière cette déforestation massive se cache un village qui doit gagner sa croûte, village qui je le rappelle est constituée majoritairement de prostituées et de lépreux. Ces deux catégories de reclus de la société, Dame Eboshi ne les a pas jugés mais leur a redonné un espoir, un sens à leur vie. Derrière son air impitoyable, Eboshi est donc une femme pleine d'empathie et impartiale.
On a donc deux idéaux dans lesquels on trouve de la raison et du tort et avec lesquels il faudrait arriver à composer. Et ce sera le rôle d'Ashitaka, qui portant un regard sans haine sur le monde, ne prendra parti ni pour l'un ni pour l'autre (à tel point que Jiro s'interrogera à ce sujet). Il empêchera Eboshi et San de se battre puis San de tuer Eboshi qui se trouve à sa merci. Il est plein de compassion et de respect et les deux femmes comprennent à la fin du film qu'il est en fait un modèle à imiter. Un vrai protagoniste, pas parce qu'il vainc le méchant ou sauve le monde mais qu'il montre l'exemple.


Je ne vais pas parler de tous les personnages car ce serait long et fastidieux mais je vais tout de même écrire quelques lignes sur le Dieu Cerf. Ce Dieu est censé être le plus sage et la plus puissante des créatures de la forêt. Si on a plusieurs fois un aperçu de sa puissance destructrice ou guérisseuse (lors du final notamment), sa sagesse est plus difficile à cerner et ce pour plusieurs raisons. D'abord, Miyazaki a choisi de le faire silencieux. Un choix artistique tout à fait assumé et défendable. D'ailleurs, la quasi-totalité des plans dans lesquels le Dieu Cerf apparaît sont accompagné d'un silence TO-TAL. On prend ainsi conscience de la dimension sacrée de l'être. Cependant, cela empêche par exemple une discussion mémorable avec Ashitaka comme on l'a avec Moro. Mais alors comment ce cerf montre-t-il sa sagesse ? D'autant plus que son design un peu niais n'aide pas à le prendre au sérieux. Et bien, il y a tout d'abord ses choix de laisser la vie à Ashitaka et la reprendre à Okkoto. Ça n'a l'air de rien mais ses choix sont lourds de conséquences (positives évidemment). Et ensuite, il y a la séquence de la tête de Moro. Ayant perdu sa tête, le corps du cerf touche la tête de Moro. Celle-ci se jette sur Dame Eboshi et lui happe le bras. Pourquoi ? Pourquoi ne pas tout simplement la tuer, ce que Moro disait vouloir faire en gardant ses dernières forces quelques minutes plutôt d'ailleurs ? Ceci est mon interprétation perso, vous en faites ce que vous voulez : C'est le cerf qui contrôlait la tête de Moro à cet instant et plutôt que de la tuer, ce qui n'aurait eu pour effet que mettre fin momentanément au problème de la déforestation, il lui supprime seulement son bras, châtiment mérité, mais duquel elle tire les bonnes conclusions et prend un nouveau départ.
Niveau traitement de personnages, on est donc sur du très très haut niveau.


Sinon pour parler du reste, disons que la musique de Joe Hisaishi apporte une nouvelle fois un charme infini à l'oeuvre, sa meilleure collaboration avec Miyazaki selon moi. Les sylvains également apportent du charme et de la féérie à l'animé, bien qu'inutiles pour l'intrigue, ils sont une petite étincelle de génie, artistiquement parlant.


Alors n'ai-je rien à reprocher à Princesse Mononoké ? Malheureusement si. J'ai dis plus haut qu'un effort considérable a été fait pour qu'il n'y ait ni vrai méchant, ni réel gentil. Pourtant inconsciemment, nous plaçons (moi le premier) Mononoké comme gentille et Eboshi comme antagoniste. Pourquoi ? Le titre. Cherchez bien, vous ne trouverez que très difficilement un animé dont le titre se rapporte au méchant ou à quelque chose de son univers. Alors vous voyez Mononoké sur l'affiche, le titre et vous vous dites : voilà l'héroïne du film, une guerrière brave qui combat pour sa forêt. Dans la réalité on en est loin. Le titre est donc mal adapté et le film aurait donc dû plutôt porter un titre du genre : Le Voyage d'Ashitaka. Mais est-ce que un mauvais titre mérite de retirer un point sur 10. Non, peut-être un demi-point sur 20 mais pas plus. Alors je mets la note maximale à Princesse Mononoké, pour cette fresque épique sensationnelle, pleine de leçons. Merci Monsieur Miyazaki.

Porc_Parfum
10
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le 22 avr. 2015

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9 j'aime

Porc_Parfumé

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